Deux sites se sont fait l’écho du malaise des supporters face à l’emprise de l’argent des télés sur le football. En deux mois, la contestation a pris une telle ampleur que les dirigeants du football allemand se sont vus forcés de négocier.
Les stades de football allemands n’avaient jamais vu ça. Le dernier week-end de mars, des milliers de fans venus assister aux rencontres entre les clubs de la Bundesliga (1ère division), agitaient frénétiquement des petits panneaux avec pour seule inscription : "15:30". À Hambourg, les supporters étaient tout de même un peu plus explicites : "Samedi, 15:30 - Je chie sur l’argent des télévisions", affirmait le message fleuri d’une banderole fixée sur les gradins.
La contestation a germé en janvier dernier sur un des forums de stadionwelt.de, le premier site allemand pour supporters. "Un jour, un fan a exprimé son ras-le-bol de voir le football soumis aux dictats des horaires des retransmissions télévisées qui rendent la vie difficile aux supporters. La discussion a pris de l’ampleur et j’ai décidé de créer le site pro1530, exclusivement consacré à cette question", explique Matthias Krämer, patron de Stadionwelt, lui-même supporter assidu du FC Cologne. La grogne des supporters allemands s’explique simplement. Entre la Ligue des champions, la Coupe de l’UEFA et le championnat national, de plus en plus de rencontres se disputent chaque semaine. Pour mieux les répartir en fonction des créneaux télévisés, le nombre des rencontres a été renforcé le samedi soir et le dimanche après-midi. Résultat, ce qui est idéal pour le téléspectateur s’est vite révélé invivable pour le véritable fan. Comment faire pour concilier vie de famille et passion sportive quand votre équipe joue le samedi soir ou le dimanche après-midi à 700 km de chez vous ? Et comment organiser un service d’autocars ou affréter un train quand les rencontres, dépendantes des diffusions TV, sont annoncées de plus en plus tard. L’initiative pro1530 demande donc un retour aux matches du samedi après-midi, l’horaire traditionnel de la Bundesliga.
Table ronde, ballon ronds...
La création du site pro1530 n’est pas passée inaperçue. Très vite, les clubs de fans ont signalé leur intérêt pour une action concertée. Déclenchée via le Net, l’action pro1530 a ainsi été relayée localement par les associations de supporters, qui ont également financés les T-shirts et panonceaux de la campagne. En février et mars, les actions isolées se sont multipliées dans les stades. Fin mars, la contestation avait acquis une dimension nationale. "Les fans de foot ne font que se bagarrer. Ils savent aussi discuter et s’organiser. Jamais je n’ai vu les supporters allemands aussi unis", précise Matthias Krämer. Un temps mis en doute par certains dirigeants du football, la légitimité du mouvement est désormais reconnue. Selon un sondage commandé par Kicker, le principal journal allemand de football, près de 18 % des supporters soutiennent activement le mouvement. Et grâce à la pression croissante de l’opinion publique, pro1530 a réussi le tour de force de convoquer les principaux acteurs du football allemand autour d’une table ronde.
Programmée pour la deuxième semaine de mai, la discussion réunira les représentants du mouvement, les dirigeants de la ligue de football (DFB) ainsi que des émissaires du groupe audiovisuel Kirch qui, avec 2,5 milliards de francs versés par saison, détient les droits de rediffusion du championnat jusqu’en 2004. "Je ne sais pas si nous arriverons à nos fins dès la première rencontre. Mais nous avons réussi à nous mobiliser, à lancer un débat et à sensibiliser l’opinion publique. Je crois que nous avons amorcé un processus qui portera ses fruits dans les deux ou trois années à venir", estime Matthias Krämer. Pour les initiateurs du mouvement, il n’est pas question de créer un syndicat de supporters. En revanche, grâce à Internet, un réseau de solidarité mobilisable à tout moment est né. Et celui-ci n’en est qu’à ses débuts. En effet, les membres de pro1530 ont décidé d’intensifier les contacts avec leurs collègues anglais, autrichiens, suisses, italiens et français. Supporters de tous les pays, unissez-vous !