Pour ce biologiste, ancien député européen, la prolifération des OGM n’est pas contrôlée
Au nom du principe de précaution, sept Etats de l’Union européenne (France,
Autriche, Danemark, Belgique, Italie, Luxembourg, Grèce) avaient imposé en 1998-1999, un moratoire sur la commercialisation de nouvelles plantes génétiquement modifiées (PGM). Or depuis plusieurs semaines, le commissaire européen à la consommation et à la santé, David Byrne, demande la levée de ce moratoire, rendue possible selon lui par l’entrée en vigueur d’une directive et de deux règlements encadrant la commercialisation des OGM. A cette volonté du commissaire Byrne s’ajoute la pression de l’administration américaine. Son représentant pour le commerce, Robert Zoellig, accuse les Européens d’utiliser le moratoire à des fins protectionnistes. Conséquence, plusieurs spécialistes estiment la levée de ce moratoire inévitable.
Dans ce contexte, l’universitaire et ancien parlementaire européen
Jean-Pierre Raffin, affirme qu’aucun outil fiable d’évaluation de l’impact des PGM n’existe en France à ce jour. Jean-Pierre Raffin a siégé jusqu’en
2002 à la Commission du génie bio-moléculaire, l’instance française chargée de délivrer des avis sur les demandes de mises en culture de plantes génétiquement modifiées (PGM).
Que vous inspire la position de David Byrne sur la levée du moratoire européen sur les OGM ?
David Byrne raisonne strictement à court terme. Certes, pour ce qui est de
la consommation de produits contenant des OGM, on n’a pas observé à ce jour
de phénomènes touchant à la santé humaine. Mais s’est-on réellement donné
des outils fiables d’évaluation ? En ce qui concerne la dissémination de
plantes génétiquement modifiées en milieu ouvert, j’affirme en revanche que,
nous, les scientifiques n’avons strictement aucun recul. Nous avons mis
beaucoup d’argent pour développer les OGM, très peu pour en mesurer l’impact
sur l’environnement. Dans ces conditions, on ne risque pas de trouver quoi
que ce soit.
En France, l’Académie des sciences et l’Académie de médecine et de pharmacie
insistent pourtant sur les bénéfices à retirer des OGM. De son côté, la
Commission du génie bio-moléculaire étudie toute nouvelle demande de mise en
culture. N’est-ce pas une garantie suffisante ?
Des gens charmants siègent à la Commission. Malheureusement ce sont
essentiellement des biologistes moléculaires, très compétents dans leur
domaine, mais pas formés pour répondre à la question qu’ils doivent se poser
: les OGM représentent-ils un risque pour l’environnement ? Ces personnes
ignorent tout de la réalité des écosystèmes. Pas un seul botaniste ne
siège dans cette commission. Les OGM, c’est leur vie, comment voulez-vous qu’ils émettent des avis neutres ? C’est comme si on constituait un comité
composé exclusivement de pianistes et qu’on leur demandait de dire quel est
le plus bel instrument.
Que sait-on du danger des OGM pour les écosystèmes ?
L’éventualité d’un transfert de gène introduit dans une plante à une autre
plante cultivée n’est plus une hypothèse d’école. Les épisodes de colza et
maïs transgéniques ayant contaminé au Canada et aux Etats-Unis des cultures
"non PGM" montrent que les mesures de prévention n’ont pas été mises en
oeuvre ou ne fonctionnent pas. Cela fait peser une réelle menace sur la
diversité biologique. Car quelques plantes seulement suffisent à générer
des populations invasives, avec un impact économique très négatif. Dans le
domaine animal, on peut citer le cas des lapins en Australie, dont seulement 24
spécimens avaient été introduits au siècle dernier, et qui ont fini par coloniser toute le continent.
Votre approche vous conduit-elle à être contre les OGM ?
En réalité, je n’ai aucune position de principe sur cette question, qu’il s’agisse de plantes génétiquement modifiées ou de thérapies géniques. Je dis
seulement que la méthode que nous employons n’est pas sérieuse. Nous n’avons pas mis en place les moyens qui nous permettraient de comprendre ce qui se passe, ni d’assumer nos éventuelles responsabilités.