L’Institut pour la ville en mouvement vient de donner naissance à Homere, un dispositif interactif qui permet aux déficients visuels de se représenter l’espace. Premier voyage : la Cité des Sciences et de l’Industrie.
Il a des allures de navette spatiale, HOMERE. Ce n’est pourtant ni une œuvre d’art interactive, ni une nouvelle console de jeux vidéo. Mais un dispositif unique en son genre pour permettre aux aveugles d’appréhender un itinéraire en l’explorant au préalable sur une maquette virtuelle. L’idée de ce système est née en avril 2001, lors d’un séminaire organisé par l’Institut pour la ville en mouvement (IVM), une association qui travaille à l’amélioration du confort et de l’efficacité des déplacements en ville.
Les aveugles et mal voyants participant à cet événement s’étaient alors exprimés sur l’importance de la perception multi sensorielle pour se repérer, et sur la difficulté de ne pas pouvoir " préparer " un déplacement dans un endroit qu’ils ne connaissent pas. L’IVM a alors réfléchi au développement d’un outil pour pallier ces difficultés en ville : " Nous avons tout de suite pensé à la potentialité de la réalité virtuelle combinée avec l’haptique (technologie permettant de toucher et de manipuler des objets virtuels). Malheureusement, ce public ne représente pas un marché pour les investisseurs en nouvelles technologies, et l’équipement reste cher. C’était notre devoir de développer cet outil " explique François Ascher, président du conseil scientifique de l’IVM.
Prototype
L’association a pourtant concrétisé un prototype, grâce au soutien d’ingénieurs et de trois entreprises spécialisées sur ce terrain : PSA - Peugeot Citroën (un des principaux partenaires d’IVM), spécialisé dans les simulateurs de conduite ; le laboratoire de recherche (List : laboratoire d’intégration des systèmes et des technologies) du Commissariat à l’Energie Atomique, et Ondim, une société qui développe des interfaces multi sensorielles. En trois mois, cette équipe d’ingénieurs a développé la première version d’HOMERE, ou " Haptique Opérant sur une Maquette virtuelle pour Explorer et Reconnaître l’Environnement ".
Pour le moment, l’installation est plutôt encombrante : l’utilisateur s’assied au centre d’un chapiteau métallique : au-dessus de lui, un anneau de spots infrarouges. Ces simulateurs imitent la variation de position du soleil, et aident ainsi l’usager à interpréter les changements de directions de son itinéraire. Tout autour, des colonnes métalliques truffées de mini-baffles lui permettent de localiser les sons dans l’espace. Face à lui, un PC classique, qui contient la maquette 3D qu’il va explorer . Et enfin, au coeur de l’installation, un bras électronique, sur lequel est fixée une canne blanche. Grâce au retour de force de la canne, le mal voyant pourra sentir la " texture " du sol qu’il foule : cailloux, gazon, glissant ou rugueux.
De la borne interactive au PDA
La balade se fait en temps réel : le piéton virtuel pourra ainsi connaître la longueur de son trajet, le nombre de changements de direction ou de niveau, la forme des différents obstacles qu’il va rencontrer... À la fin de son parcours, qu’il peut répéter autant de fois qu’il le désire, il pourra imprimer un " itinéraire de sensation " sorte de mémo qui lui indiquera toutes les émotions qu’il a ressenties durant son exploration virtuelle. " On peut imaginer beaucoup d’applications à partir de ce système, comme des bornes à l’entrée des lieux publics culturels, de certaines bouches de métro ... " projette François Ascher. Les ingénieurs du CEA travaillent, de leur côté, sur des interfaces mobiles, géolocalisées par un système GPS. Cette interface tactile pourrait guider l’utilistateur pendant ces déplacements, et le prévenir en amont des obstacles qu’il rencontrera. "Aujourd’hui, nous lançons un double appel : aux chercheurs, pour qu’ils s’emparent de notre outil pour leurs prochains travaux, et aux investisseurs, bien sûr, pour pouvoir le rendre accessible à tous le plus rapidement possible", annonce, sans ambages, François Ascher.