Réunis à Strasbourg du 30 au 31 mars 2001, des chercheurs venus d’un peu partout ont présenté leurs travaux sur l’Internet politique.
Venant des ...tats-Unis, du Japon, d’Italie ou encore de Lille ou de Nancy, un petit groupe de chercheurs s’etait réuni, vendredi 30 et samedi 31 mars, dans un des amphithéâtres de l’Institut d’études politiques (IEP) de Strasbourg pour débattre de politique. Rien d’étonnant à cela, si ce n’est que la politique en question était plutôt virtuelle. Le colloque portait en effet sur la Net attitude des élus en campagne. Un sujet qui intéresse bien des chercheurs et qui donne lieu une littérature scientifique et universitaire plutôt abondante. "L’intérêt d’étudier l’utilisation du réseau par les partis politiques ne fait aucun doute lorsqu’on voit que partout en Europe et aux ...tats-Unis, des recherches sont en cours. Pour l’instant, nous sommes encore, c’est vrai, dans la prospective et l’observation, mais il faut prouver que ces recherches valent la peine d’être poursuivies", avance, sereine, Viviane Serfaty, professeur à l’IEP de Strasbourg et organisatrice du colloque.
La recherche d’une méthode
Aux ...tats-Unis, l’équipe de recherche de l’université de Washington, animée par Kirsten Foot et Steven Schneider, tente justement de justifier l’intérêt d’une étude de l’activité politique en ligne. Ces deux chercheurs ont en effet élaboré une méthodologie pour tenter d’étudier et d’analyser la nature de l’action politique sur le Web. "Pour prouver que les actions en ligne montrent une évolution de la communication politique, nous devons pouvoir nous appuyer sur une méthode de travail stricte. Celle-ci nous permettra de ensuite de comparer les études entre elles", assure Kirsten Foot. Pour ce faire, les équipes des deux chercheurs ont commencé, entre juillet et décembre 2000, par archiver plus de 1,5 million de pages web provenant de 5 000 sites politiques différents. 750 sites de candidats, 150 sites de groupements politiques, 100 sites de média et 25 portails politiques ont été systématiquement enregistrés, codés et classés par thème. Ce gigantesque corpus de recherche, appelé d’ailleurs "Mégabytes politics", a ensuite permis aux équipes de procéder à l’observation des sites proprement dit. La méthodologie suivie, détaillée sur le site des chercheurs, servira de base de travail et de comparaison aux études futures menées par les équipes de recherche de l’université de Washington.
La Web politique japonaise au banc d’essai
Leslie TkachJulie Krassovsky |
La mis en place d’une méthode de travail est d’une importance capitale pour le devenir de la recherche sur l’Internet politique. Au Japon, Leslie Tkach (PHOTO), une chercheuse canadienne, a tenté elle aussi de mener une étude sur les partis politiques en ligne. Lors des dernières élections au Japon, durant l’été 1999, cette universitaire de 37 ans a passé au crible les sites des six principaux partis politiques japonais. Elle a même enregistré la totalité de chaque site à trois reprises. "
La période électorale au japon se divise en trois périodes légales (qui déterminent les possibilités de communication, NDLR). Et même si les sites des partis sont les versants web des prospectus de campagne (ce qu’on appelle le brochure ware
), à chaque période, les sites ont quand même été relookés, explique-t-elle.
Les sites des partis japonais reflètent bien l’activité politique off line. Ils évitent la confrontation directe. Ils regorgent d’informations institutionnelles et proposent peu d’analyse." Comme en France, l’utilisation du Net au Japon dérive d’un souci de modernité. Mais Leslie espère bien continuer son observation. Lors des prochaines élections, en juillet 2001, elle se lancera dans l’étude des sites des candidats. "
Au Japon, le poids d’un candidat se mesure par rapport à sa notoriété locale. C’est là qu’Internet pourrait réellement changer des choses", assure la chercheuse.
Le Web américain : lieu du consensus
Westley WilsonJulie Krassovsky |
À mesure que l’observation s’organise, le web politique ouvre la voie à une personnalisation du discours politique et à la concentration en un seul endroit (virtuel) de la totalité des éléments d’une campagne. À l’instar des ...tats-Unis où les sites des candidats, lors de la campagne présidentielle, sont devenus de vastes portails multi-information. "
Chaque électeur y pioche ce qu’il veut. Le site politique est un endroit où l’on peut se servir", explique Viviane Serfaty. Le discours politique se noie dans un océan d’information à la recherche du consensus. "
Sur les sites, la fragmentation du discours politique apparaît sans qu’il y ait une politique d’ensemble clairement identifiable." Une question reste encore en suspens : comment mesurer l’impact réel de l’utilisation du Web en politique sur les électeurs ? Le jeune Wesley Wilson (PHOTO), assistant du webmaster du site de Georges Bush durant la campagne présidentielle, a trouvé des réponses : au moment fort de la campagne, le site a enregistré plus de 5 millions de visiteurs uniques en deux semaines et des millions d’emails. Résultat : l’actuel président des ...tats-Unis a levé plus de 6 millions de dollars en ligne pour financer sa campagne. Un grain de sel comparé aux centaines de millions collectés par ailleurs, mais un joli coup de pouce quand même.