Les grandes marques de parfums refusent que leurs produits soient vendus en ligne. Enfin, par n’importe qui. Elles viennent ainsi de contraindre le site parfumsnet.fr à suspendre ses activités, en le harcelant en justice.
Plus aucune bouteille de parfum, ni rouges à lèvres sur parfumsnet.fr. À la place, un règlement de compte avec les prestigieuses maisons de senteurs. Neuf points pour justifier la suspension du site, sous le coup de 16 procédures judiciaires. "La stratégie de procéder à un référé par marques paraît claire. On cherche à étouffer financièrement la première cyber-parfumerie", estime Carlos Soler, directeur de Parfumsnet en France. Les marques de parfums reprochent à la société, basée à Barcelone, de vendre leurs produits sans avoir eu d’agrément. Or, le secteur de la parfumerie ne fonctionne qu’à travers des contrats de distribution sélective. Depuis octobre, elles ne laissent donc aucune seconde de répit à l’impertinent.
Repli stratégique
Le 4 octobre, le tribunal de commerce de Nanterre, saisi par Gucci, interdit au site de commercialiser les produits Yves Saint-Laurent et Van Cleef & Arpels. À la clé, une amende de 30 000 francs au titre du nouveau Code de procédure civile et 3 000 francs par jours de retard dans l’application du verdict. Le 24 octobre, le même tribunal, saisi par L’Oréal, interdit au site de vendre les parfums et produits de beauté Biotherm, Cacharel et Lanvin. Même punition financière : 3 000 francs d’astreinte par jour de retard.
Dans ces conditions, la société de Patrick Raibaud, créée en octobre 1999, a choisi de fermer le site français. Mais en réaction, elle a très vite ouvert une version française sur parfumsnet.com. Et ses responsables ont fait appel des décisions de justice. "On ne s’attendait pas à cette violence de la part des maisons de parfums et à une telle réaction de la justice", s’étonne Carlos Soler. Il ne peut accepter l’ordonnance rendue par le tribunal de Nanterre qui considère Internet comme "un simple moyen de communication qui ne saurait constituer en soi un marché pertinent". Pourtant, certaines marques de parfums ont lancé leur propre site d’e-commerce, comme LVMH à travers sephora.com. De plus, le groupe Bernard Arnault a lancé le portail américain E-luxury. Concernant ces stratégies ambivalentes, la Fédération des industries de la parfumerie n’a pas souhaité répondre pour l’instant.
Solution européenne ?
Les responsables de Parfumsnet sont persuadés d’être dans leur bon droit. La preuve ? Le droit européen selon lequel aucune nouvelle forme de commerce ne peut être exclue. "En juin dernier, Bruxelles a autorisé l’ouverture de la distribution sélective à Internet. Mais les marques rechignent à adapter leurs conditions d’agrément au Net. Les contrats de distribution sélective précisent encore des couleurs de moquette et des présentations spécifiques, totalement inadapteés au e-commerce. Ces conditions sont discriminatoires", ajoute Carlos Soler.
Mais la volonté de Parfumsnet suffira-t-elle face aux grosses machines du luxe ? Ces dernières ont récemment contraint un groupe comme Leclerc à retirer les parfums de grandes marques de ses rayons, car il ne respectait pas les conditions de présentation. En appelant à une résolution européenne du problème, Parfumsnet pourrait susciter des réactions en Italie et en Espagne, ses deux autres pays d’implantation.
La version française rapatriée sur le site espagnol:
http://www.parfumsnet.com/france/
Le site français fermé:
http://www.parfumsnet.fr/