"Les ministres n’ont aucune envie d’entendre les arguments des instances consultatives" [Bruno Rebelle]
Membre du Conseil national pour le développement durable, il en remet une couche sur la politique du gouvernement
La politique du gouvernement en matière de développement durable a du plomb dans l’aile. Ce mardi 27 mai, plusieurs membres de la Commission française du développement durable (CFDD), dont Jacques Testart, son président, viennent d’annoncer leur démission.
"Contrairement à d’autres comités, nous ne sommes pas un groupe d’experts dont le rôle serait de participer à la politique gouvernementale mais nous constituons un laboratoire d’idées indépendant et attentif au service du développement durable et de la démocratie. Constatant la mise en cause de cette autonomie, de notre liberté de réflexion et d’action, la plupart des membres actifs de la CFDD considèrent aussi qu’ils n’ont pas d’autre choix que de mettre fin à leur mandat", peut-on lire dans la lettre de démission que le célèbre généticien Jacques Testart a remis à Jean-Pierre Raffarin.
Parallèlement aux remous qui secouent ce comité, certains membres du Conseil national pour le développement durable (CNDD), une instance composée de représentants de la société civile qui travaille pour le secrétariat d’Etat au Développement durable, se posent, eux aussi, des questions sur l’utilité de la mission qui leur a été confiée. Bruno Rebelle, membre de ce conseil créé en janvier 2003, et président de Greenpeace France, commente la situation et analyse la politique du gouvernement.
Pourquoi le gouvernement a-t-il mis en place un Conseil national du développement durable alors qu’il existait déjà une Commission dédiée au même thème ?
Bruno Rebelle : Si on veut rester politiquement correct, on peut dire que ce Conseil a été mis en place par le gouvernement en janvier 2003, après le sommet de la Terre de Johannesburg, pour tenir compte de l’avis de la société civile sur le développement durable. Ses 90 membres, représentants d’industries, d’associations et de diverses institutions, sont chargés d’élaborer la stratégie nationale du gouvernement sur ce sujet.
A travers cette instance, Jacques Chirac a voulu montrer aux Français qu’il agissait en matière d’écologie. Le CNDD est chargé de rédiger un rapport sur les progrès à accomplir en matière de développement durable. Ce rapport, qui sera remis au secrétariat d’Etat au Développement durable en juin 2003, doit servir de base de travail à un comité interministériel sur ce sujet.
La Commission française du développement durable est, pour sa part, constituée de 20 membres choisis pour leur statut d’experts. Créée en 1993, elle a aussi pour mission d’établir des recommandations destinées à orienter la politique du gouvernement en matière de développement durable. Mais pour parler plus crûment, on peut dire que le CNDD a été mis en place pour déboulonner la CFDD.
Qu’est ce qui vous permet d’affirmer que le Conseil va chasser la Commission ?
Si Jacques Testart a décidé de démissionner, c’est principalement parce qu’à plusieurs reprises, les avis de la Commission n’ont pas été entendus. Sur la question des OGM, Jacques Testard a réclamé plusieurs fois un débat démocratique avant de procéder aux essais en plein champ. Le gouvernement s’est assis sur les conclusions du CNDD. Il a fait exactement l’inverse de ce qui était préconisé dans le rapport.
En matière de politique énergétique, c’est la même histoire : le gouvernement a mis en place une série de débats publics mais il a tiré ses conclusions, sur l’énergie nucléaire par exemple, avant même que les débats ne se terminent. Les ministres n’ont aucune envie d’entendre les arguments de la Comission. C’est pour cette raison que certains des membres de la CFDD, dégoûtés parce qu’ils n’ont aucune marge de manoeuvre, ont démissionné. Avec la création de ces instances, Jacques Chirac habille sa politique environnementale d’un peu de peinture verte. Mais alors que ses annonces sont plutôt sympathiques, elles ne sont pas mises en pratique.
Si vous n’avez pas confiance dans la suite que donnera le gouvernement à votre rapport, allez-vous démissionner ou continuerez-vous à travailler au sein du CNDD ?
Greenpeace a accepté de siéger au sein de ce Comité pour voir si l’exercice allait être utile. Au cours des réunions auxquelles nous avons assisté, nos idées ont été entendues, et certaines ont été intégrées dans les contributions remises à la CFDD. Si le gouvernement tient compte de nos conclusions pour élaborer sa politique de développement durable, nous serons heureux. Si nous constatons que rien de ce qui a été préconisé n’est mis en place, nous démissionnerons. Nous n’avons pas pour habitude d’assister à des réunions tartempions. Nous avons autre chose à faire que de perdre notre temps. On a une planète à sauver !
Le site de la Commission française du développement durable:
http://www.cfddurable.org/fr/index.html
Les premières contributions du Conseil national pour le développement durable:
http://www.premier-ministre.gouv.fr...
Le site de Greenpeace France:
http://www.greenpeace.org/france_fr