La BSA, un collectif anti-piraterie se lancerait dans l’espionnage à distance de nos ordis. Si sa dernière campagne anglaise fait dans l’auto-parodie, c’est pour mieux faire passer la menace et l’incitation à la délation.
 Ashley Coombes |
La Business Software Alliance (BSA), une association internationale de grands éditeurs de logiciels propriétaires, créée pour lutter contre le piratage et la contrefaçon de logiciels, fait de nouveau parler d’elle. Avec des méthodes qui, comme à l’accoutumée, s’avèrent pour le moins douteuses. Ainsi, un van sillonne actuellement trois grandes villes de l’Angleterre, doté de matériel informatique et d’une antenne radar. Mais ce qui ressemble à une vulgaire camionnette de retransmission télé serait-elle équipée du système Tempest ? Une consultante du BSA l’a laissé entendre à l’un des correspondants du journal anglais
The Register. Tentant d’en savoir plus, ce dernier s’est tout simplement retrouvé menacé : "
Faites attention, nous pourrions vous retrouver facilement", grâce au nouvel équipement super-sophistiqué de la BSA ! De fait, la camionnette arbore fièrement un grand "
Illegal Software Detection Unit" sur ses flancs.
Tempest et délation
Le système Tempest, bien connu des services de renseignements comme des professionnels de l’espionnage industriel, permet de capter les ondes dégagées par un écran informatique, et donc d’en faire apparaître un miroir sur un ordinateur distant. Typiquement, Tempest est embarqué à bord d’une camionnette équipée d’une antenne radar... La consultante de la BSA, relayée en cela par le service communication de l’association, reconnaît qu’il s’agit là d’une parodie. Il suffit de voir les "girls" en blouson rouge qui distribuent des tracts autour du van pour distinguer l’opération commerciale de l’espionnage informatique. La nouvelle campagne de communication anglaise du BSA repose en effet sur deux postulats : il faut faire peur et inciter à la délation. Les dirigeants des sociétés prises en flagrant délit d’utilisation de logiciels piratés, ou pour lesquels ils ne disposent pas de licence agréée, encourent jusqu’à deux ans de prison, l’amende ne connaissant, quant à elle, pas de limite. D’autre part, le BSA offre jusqu’à 10 000 livres (plus de 100 000 francs, la récompense étant calculée en fonction de la somme récupérée par le BSA) aux employés, ou autres, qui dénonceraient des fautifs.
Musclée, à la limité de la légalité
Par le passé, de nombreuses voix se sont élevées contre les méthodes musclées ainsi que sur la pseudo-légalité de la BSA. En 1998, sa branche belge a même été interdite. En France, l’association s’est fait connaître en envoyant des courriers menaçants aux sociétés, les sommant de se mettre en conformité. Ce courrier avait été dénoncé, non seulement pour son incitation à la délation, mais également parce qu’il présentait tous les atours d’une obligation légale, alors qu’il n’en est rien. En Irlande et aux ...tats-Unis, la BSA vient par ailleurs de lancer la campagne mise en œuvre au printemps dernier en Angleterre, en Thaïlande et au Mexique. Le "BSA Truce" (le "cessez-le feu" de la BSA, sic) donne un mois aux sociétés pour acheter la licence de leurs logiciels, leur permettant ainsi d’échapper à d’éventuelles poursuites. Un logiciel, téléchargeable (gratuitement, bien entendu, et pour une fois) sur leur site web, et disponible en disquette (mais pour Windows seulement) permet au responsable informatique d’une entreprise de scanner le réseau de ladite boite à la recherche de copies piratées. Selon la BSA, un logiciel sur quatre serait piraté en Angleterre. Cela dit, l’association avait déjà, par le passé, reconnu avoir trafiqué les chiffres en vue de se faire de la publicité.