Interview de Jeremie Berrebi, directeur de Net2one. Jeune premier de la netéconomie, Berrebi a fait la leçon aux sénateurs et créé sa société à 19 ans. Aujourd’hui, il a encore du cash pour faire tenir l’entreprise, mais cherche le bon modèle pour la rendre rentable.
Transfert |
Quand et comment avez-vous découvert Internet ?
J’ai découvert Internet en mai 1994 après avoir lu un article dans un magazine baptisé Avenir. Celui-ci évoquait des voitures qui conduisaient seules et un petit article d’une page parlait d’Internet.
Pourquoi vous êtes-vous impliqué dans Internet ? Quel a été le déclic ?
Lorsque je me suis connecté pour la première fois via CompuServe, je ne savais pas quoi faire. J’ai donc envoyé un e-mail au journaliste qui avait écrit l’article que j’avais lu dans Avenir et il m’a répondu tout de suite ! C’est là que j’ai eu le coup de foudre ! Pour moi, les journalistes étaient des personnes intouchables et là, je communiquais avec lui directement !
Quand avez-vous compris que cela allait vraiment décoller en France ?
Le jour où LibertySurf a lancé ses forfaits gratuits en partenariat avec Darty, je me suis dit que tout commençait pour le grand public.
Comment avez-vous vécu la période automne 1999-printemps 2000 ? Que faisiez-vous ?
Ma société Net2one.Com avait levé 10 millions de francs en juillet 1999 et a lancé le premier moteur de recherche sur l’actualité au monde associé à un système d’alerte par newsletter. Nous sommes passés, pendant cette période, de 0 à 250 000 abonnés et la société est passée de 10 à 30 collaborateurs. Pour moi, cette période était horrible. Les équipes étaient contactées par des chasseurs de têtes, elles étaient devenues ingérables. De plus, les objectifs de la société étaient devenus irrationnels. Le chiffre d’affaires était-il plus important que le nombre d’abonnés au service ? Pendant ce temps-là, j’étais contacté deux à trois fois par jour par des journalistes pour parler de la netéconomie.
Comment analysez-vous aujourd’hui cette frénésie de huit mois ?
Je pense que nous avons voulu aller trop vite et notre seul but était une création de valeur virtuelle pour nos sociétés alors que le chiffre d’affaires, la rentabilité, ont toujours été les critères les plus importants. Nous pensions aussi qu’une grande société se construisait avec un très grand nombre de salariés. Aujourd’hui, je pense le contraire.
Les investisseurs étaient irrationnels, aujourd’hui, ils le sont toujours, mais à l’envers. Tout est devenu mauvais !
Quel a été, selon vous, le signal de la chute des dotcoms ?
Malheureusement, la faillite de boo.com a été le plus gros signal alors que cette société était une plaisanterie. Dépenser des millions de dollars par mois alors que l’on fait zéro centime de chiffre d’affaires est ridicule.
Que faites-vous aujourd’hui ?
Je dirige toujours Net2one.com. La société a aujourd’hui séparé ses activités en deux. D’un côté, le moteur de recherche qui continue à tourner et un nombre d’abonnés qui ne cesse d’augmenter ; de l’autre, nous sommes gestionnaires et diffuseurs de newsletters et d’e-mails personnalisés pour le compte de grandes sociétés (Emap, Banque Directe...).
Croyez-vous toujours autant à Internet ?
Je crois que la véritable révolution de ce siècle est l’e-mail. Autour de ça, de nombreuses applications sont encore à découvrir et l’arrivée d’Internet sur la TV via des opérateurs câble ou satellites permettront aux Français d’être vraiment connectés en permanence avec le reste du monde. Toutefois, le modèle Internet gratuit est à revoir. Il n’est pas normal que seuls les opérateurs de télécoms s’enrichissent avec Internet. Les fournisseurs de services doivent pouvoir être rémunérés aussi.
Croyez-vous au commerce en ligne ? Croyez-vous à l’avenir du Web non-marchand ?
Je crois au commerce en ligne, mais pas comme une révolution si importante que prévue. Le Web est un outil de marketing permettant de faire connaître des produits, mais pas spécialement de les commercialiser. Toutefois, je suis quand même fan et énorme acheteur de Cdiscount.com. Par ailleurs, les éditeurs de contenu doivent revoir leur modèle économique. Pour moi, l’abonnement payant à faible coût sera le meilleur moyen de rentabiliser des sites de ce type. Un problème quasiment impossible à résoudre : il faut que tous les sites de contenu passent dans un mode payant en même temps.
Comment voyez-vous les années à venir ?
D’un côté, les services deviendront peu à peu payants ; de l’autre, Internet va être de plus en plus utilisé comme outil de marketing direct permettant d’amener des nouveaux clients sur des points de vente réels.
Croyez-vous toujours dans ce qu’on a appelé la netéconomie ?
Cette économie n’a aucune différence avec l’économie classique malheureusement... La gestion en mode "start-up" n’est pas viable à moyen terme.
Quelles vont être, selon vous, les futures grandes échéances, et que vont-elles apporter ?
La fin de l’année va voir arriver les services payants sur le Net. Tout va se jouer maintenant. De plus, l’arrivée du GPRS et de ses applications permettront un nouveau mode de facturation à la durée des utilisateurs de services. Je dis "nouveau", mais le Minitel le faisait déjà très bien... La différence avec le Minitel, c’est que France Télécom le contrôlait à 100 %. Aujourd’hui, il y a trop d’opérateurs pour voir apparaître des standardisations de paiement et de facturation.