La BSA a organisé une conférence afin de sensibiliser les élèves ingénieurs aux problèmes de la copie illicite des logiciels. Entre hypocrisie et utopie, éditeurs de logiciels et étudiants ont confronté leurs opinions.
Près de 80 % des élèves ingénieurs font des copies illégales de logiciels sur leur ordinateur personnel. Ce chiffre provient d’une enquête menée par l’ESIEA (Ecole Supérieure d’Informatique Electronique Automatique). Effectuée pour le compte du BSA (Business Software Alliance, une association qui regroupe les principaux éditeurs de logiciels et qui a pour but de lutter contre le piratage), elle a poussé ce dernier à organiser une conférence pour sensibiliser ces jeunes pirates.
En mettant les petits plats dans les grands : la conférence s’est déroulé au cabaret du Lido, à Paris, sur les Champs-Elysées. Devant une salle comble : plus de 800 personnes, dont 750 élèves, se tenaient prêtes à confronter leur point de vue. Cerise sur le gâteau : Florian Gazan, le très peroxydé ami de Jean-Luc Delarue, était chargé de chauffer la salle. Autant dire que l’ambiance, mardi 20 mars, était bouillante...
Des logiciels trop chers
« S’il n’y aura pas de plumes au Lido aujourd’hui, on peut tout de même dire que les éditeurs en ont marre de se faire plumer. Bon, c’est une boutade que j’ai empruntée à Jean Roucas ». Le ton est donné ; Florian Gazan vient de lâcher sa première blague et la salle alterne les oh ! et les ah !
Premier temps de la conférence : dans un duo bien rôdé avec Florian Gazan, Pierre Aliphat, le directeur de l’ESIEA, balance toute une suite de chiffres sur le piratage. « Il faut savoir qu’en milieu professionnel, 4 logiciels sur 10 sont des copies illicites, lance-t-il en préambule, et vous, étudiants, vous irez bientôt dans ces entreprises. Or, 35 % d’entre vous estiment que cette pratique est nécessaire et 22 % pensent qu’elle est légitime ».
Les raisons de cette pratique ? Le prix est la principale motivation (pour 54 % des élèves interrogés), suivi du plaisir de défier les systèmes (13 %) et du besoin pour les études (8 %). On passera sur la flagrante ignorance de la loi dont font preuve ces étudiants (près de 60 % ne la connaissent pas). Inutile de préciser que chaque chiffre s’accompagne de sifflets ou d’applaudissements. Avant de céder sa place, Pierre Aliphat rappelle que tous les élèves de son école se sont engagés, en signant une charte en début d’année scolaire, à ne pas pirater.
Un rapide sondage, sur l’initiative du fringant Florian, suffit à prouver que signer ne veut pas dire arrêter de pirater. En tout cas pour les élèves de l’ESIEA... Vient le tour d’Eric Beaurepaire, le porte-parole du BSA. Ne pouvant résister à la tentation, Florian Gazan y va de sa blague « Vous êtes bien tombé, Eric, parce que ici c’est un beau repaire de pirates ». Tout en finesse. Le porte-parole du BSA, par ailleurs salarié de Symantec, défend les éditeurs, évoque les réductions accordées aux étudiants, et promet des baisses de prix en cas de diminution du piratage. Un avocat, un lieutenant colonel, des responsables de Microsoft et d’Adobe succèdent à Eric Beaurepaire sur la scène du Lido. Chacun dans sa spécialité (ou ses intérêts) évoque les problèmes posés par la copie illicite.
La délation marche bien dans les pays anglo-saxons
Au moment des questions, trois élèves ingénieurs, sélectionnés à l’avance, montent sur scène. « Sur votre site, on peut trouver un lien pour dénoncer les entreprises ou les particuliers ne possédant pas les licences des logiciels qu’ils utilisent. Cette façon de faire a un côté fasciste, quelle est votre position vis-à-vis de cela ? » lâche, sûr de lui, un étudiant. Après les désormais obligatoires sifflets, Eric Beaurepaire répond : « A ma connaissance, le lien ne fonctionne plus [ce qui semble effectivement être le cas, ndlr], et c’est une méthode qu’on a laissé tombé. Mais la délation marche bien dans les pays anglo-saxons. Les pays latins ont plus de mal avec cette méthode. En aucun cas le BSA n’encourage la remontée d’informations ».
Les micros circulent ensuite dans la salle et les questions fusent : Quelle est votre position par rapport aux logiciels libres ? Pourquoi les logiciels ne sont-ils pas gratuits pour les étudiants ? Le piratage, n’est-ce pas un peu la faute des éditeurs ? Les intervenant tentent de répondre. « Les logiciels libres créent une émulation indispensable, mais ils ne sont pas à la portée de M. tout le monde et n’offrent aucune garantie de qualité et de service » explique l’avocat Marc Mossé. Laurent Signoret, le représentant de Microsoft, met en avant la réduction de 70 % que propose aux étudiants sa société sur la suite Office.
Joint le lendemain de la réunion, Eric Beaurepaire fait le point sur cette conférence : « On ne se fait pas d’illusions. Demain, tous les élèves qui étaient présents dans la salle continueront à pirater. Mais l’objectif était de sensibiliser ces futurs responsables, dont certains travailleront chez des éditeurs de logiciels, à ces problèmes. Dans l’ensemble c’était plutôt réussi. Mais il faut que ces élèves se posent des questions. Je n’oublie pas que les éditeurs aussi ont des efforts à faire ». Satisfait, mais réaliste.