Les banques suisses viennent de publier sur le Web la liste de 18 500 personnes, titulaires de comptes ayant un lien probable avec l’Holocauste. Peut-être le dernier chapitre d’une douloureuse histoire.
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Aaron, Germaine Valérie, Paris (France). Aaron, Maurice (France). Abele, Egon, Budapest (Hongrie). Abele-Hechler, Auguste (Allemagne). Sur le site DormantAccounts.ch des banques suisses, 18 500 noms s’égrènent. Ils correspondent à 20 855 comptes bancaires de victimes du génocide orchestré par les Nazis. Juifs, mais aussi tsiganes, handicapés physiques ou mentaux, homosexuels et témoins de Jéhovah. Entre 1933 et 1945, devant la montée du nazisme, beaucoup de ses personnes ont déposé sur des comptes suisses une partie de leurs biens. La plupart sont morts. Et il aura fallu des années de bataille juridique et militante, pour que leurs familles puissent être enfin dédommagées. La liste publiée le lundi 5 février par l’Association suisse des banquiers semble en être la conclusion.
Les banques suisses se félicitent
Pourtant, les critiques fusent. "C’est une petite avancée, mais pas assez. Il y a des trous, des personnes qui manquent. Comment expliquer, par exemple, le nombre si peu important de Polonais. Hélas, je crains qu’on ne puisse obtenir mieux", regrette Serge Swajgenbaum, secrétaire général du Congrés juif européen. Le président du Centre Simon-Wiesenthal à Paris, va plus loin : "Cette liste est beaucoup trop partielle, car les banques suisses cherchent toujours à minimiser le nombre. Et puis ce n’est pas aux banquiers de décider qui est victime ou non." Les banques suisses, elles, se félicitent de cette publication, qui vient clore un dossier ouvert dès la fin de la seconde guerre mondiale. En 1998, après plusieurs actions collectives devant la cour de New York, elles ont accepté de débourser 1,25 milliard de dollars pour indemniser les victimes de l’Holocauste. Quelque 800 millions sont réservés aux ayants droits de ces comptes en déshérence. Mais pour indemniser, il faut identifier.
Travail titanesque
La liste publiée lundi est le résultat d’un audit sur les 4 millions de comptes bancaires ouverts entre 1933 et 1945 en Confédération helvétique. Cette étude des comptes a commencé en 1996, menée par la commission dirigée par Paul Volcker, ancien président de la Réserve fédérale américaine. 640 personnes y ont travaillé pendant trois ans. Sur 4 millions de comptes, 36 000 ont été reconnus comme ayant une probabilité forte d’avoir appartenu à une victime du génocide. Sur les 36 000, 21 000 ont été publiés. Trois ans d’investigation : un travail titanesque, notamment parce que la plupart de ces comptes, près de 18 000 sur les 21 000, ont été fermés. Les associations juives accusent les banques suisses d’avoir fermé elles-même ces comptes. Une affirmation que les établissements financiers ont toujours récusée. "Selon la législation suisse, si un compte est fermé, dix ans après, tous les documents le concernant sont détruits. Impossible donc de déterminer juridiquement qui a fermé ces comptes. Tous ceux qui peuvent fournir la preuve d’un lien avec l’une de ces personnes seront dédommagés", explique Alexander Jolles, secrétaire général du Tribunal. Le Tribunal est la structure créée en 1997 pour statuer sur les requêtes concernant les comptes suisses en déshérence. "Nous avons déjà traité ceux des listes publiées en 1997 (5 500 premiers comptes, les ayants droits ont touché 33 millions de dollars). Les gens nous envoyaient des cartes postales, une photo, un souvenir pour prouver leurs liens avec les personnes. Cette fois, nous attendons au moins 100 000 requêtes. Nous avons doublé nos effectifs et prévu un budget pour un an et demi."