Les certificats d’économie d’énergie sont-ils efficaces pour réduire la consommation ?
Le 7 novembre, la ministre déléguée à l’Industrie a rendu public son Livre blanc sur l’énergie, issu du débat national organisé récemment par le gouvernement sur le sujet. Après quelques consultations et modifications, ce texte deviendra loi d’orientation et déterminera la politique énergétique de la France pour les décennies à venir. La maîtrise de la consommation énergétique est la priorité du plan de Nicole Fontaine. Les certificats d’économie d’énergie, dont la mise en oeuvre est prévue pour 2005, sont le fer de lance de ce plan. Echangeables sur un marché, ils sont censés inciter les fournisseurs d’énergie à promouvoir des pratiques et des matériels anti-gaspillage auprès de leurs clients.
Les certificats d’économie d’énergie sont présentés au titre du chapitre "propositions du gouvernement", consacré à la maîtrise de la demande. Echangeables sur un marché, ils permettraient de "diffuser le plus largement possible le concept d’économies d’énergie et de s’attaquer aux gisements (...) concernant un nombre important d’acteurs".
En clair, pour réaliser les quotas d’économies d’énergie qui leur seront imposées, les fournisseurs d’énergie (électricité, gaz, fioul...) devront promouvoir auprès de leurs clients des pratiques "citoyennes".
Des bons de réduction
Exemple donné par le ministère : une compagnie d’électricité (EDF ou un de ses concurrents) offre à ses clients des bons de réduction sur des lampes à basse consommation, plus chères mais à la durée de vie plus longue que les ampoules classiques. Guidé par la fée électricité, l’usager court au rayon "luminaires" de la grande surface associée à l’opération. Le commerce en question renvoie ensuite les bons collectés au fournisseur. Ce dernier obtient alors des certificats en fonction des économies réalisées par les lampes ainsi écoulées. En l’occurence, une lampe est censée générer une économie totale d’environ 240 KWh.
Une fois qu’il a collecté des certificats, le fournisseur d’énergie pourra ensuite vendre à d’autres fournisseurs n’ayant pas accompli leurs devoirs, un peu sur le modèle des permis d’émission de CO2. La concurrence qui doit bientôt entrer en vigueur dans le secteur de l’électricité doit théoriquement "booster" un tel système.
Officiellement, le gouvernement ambitionne de réduire la consommation d’énergie de 54 terrawatts/heure (TWh) en trois ans. Yves Marignac, de Negawatt, une association qui milite pour les économies d’énergie, relativise ce chiffre. "La consommation française annuelle est de 400 TWh. Le dispositif prévu par le gouvernement aurait donc des effets très marginaux résume ce consultant pour Wise, une agence de conseil en environnement. Il ne peut remplacer des normes d’efficacité énergétiques ou des incitations fiscales."
Le modèle des certificats d’économie d’énergie est déjà en vigueur dans d’autres pays, en Italie et au Royaume-Uni. Ces expériences ne permettent pas de faire toute la lumière sur l’efficacité du système. Chez les Anglais, l’Efficiency economy commitment (EEC, engagements d’économies d’énergie) fonctionne depuis avril 2002. Il est géré par l’Ofgem, le régulateur des marchés du gaz et de l’électricité.
Calcul ampoulé
Plusieurs initiatives des fournisseurs d’énergie peuvent leur donner droit à des certificats : modification des installations de chauffage (changement de chaudières avec accroissement du rendement), mise en place de l’isolation thermique la plus efficace ou encouragement à l’achat d’appareil électroménagers de classe A, les moins consommateurs...
Mais pendant la première année de fonctionnement du système, les performances des suppliers anglais ont été plutôt mitigées : par rapport aux chiffres de réduction de la consommation d’énergie promis par les fournisseurs à l’Ofgem, certains ont dépassé 50% de leurs objectifs, (Scottish and southern energy ou LE Group, une filiale d’EDF), d’autres n’en ont pas réalisé 10 %.
Surtout, le calcul des économies dégagées s’avère assez ampoulé. "Comment mesurer et vendre quelque chose qu’on ne consomme pas ? s’interroge Philippe Girard, d’EDF Trading, une des filiales anglaises de l’opérateur français, spécialisée dans l’échange sur les marchés d’énergie. Si je fais un régime, comment calculer le nombre de baguettes de pain que je ne vais pas manger ? D’autant que lorsque un appareil consomme moins, une chaudière ou une lampe, la tendance du consommateur est de le laisser allumé. Qui nous dit qu’il ne va pas faire trois fois plus de lessive avec sa machine à laver de classe A ?" Ce qui fausse évidemment toutes les savantes équations.
L’association Negawatt doute du système proposé par le gouvernement : "compliqué à évaluer, coûteux à contrôler". Elle critique le mode de calcul choisi pour les objectifs officiels de réduction de la consommation : une baisse de 2% par an de l’intensité énergétique, qui est le rapport de la consommation d’énergie au PIB. Yves Marignac rappelle que même si ce but était atteint, on ne pourrait pas forcément parler de réduction de la consommation, si le pays connaissait une croissance du PIB de 1, 2 ou 3 %...
Le Livre blanc de Nicole Fontaine:
http://www.industrie.gouv.fr...
Negawatt:
http://www.negawatt.org/
"Le gouvernement prêt à définir la politique énergétique pour les prochaines décennies" (Transfert.net)
http://www.transfert.net/a9492
Dossier: l’impasse énergétique (Transfert.net)
http://www.transfert.net/d51