Des chercheurs écossais font repasser à des personnes âgées des tests de capacité mentale auxquels ces dernières avaient déjà été soumises il y a plus d’un demi-siècle. Les derniers résulats publiés de cette étude, inédite par sa durée dans le temps, semblent montrer que les facultés intellectuelles ne déclinent pas avec l’âge et que les disparités entre les individus demeurent.
Il y a quelques années, Ian Deary, professeur de psychologie à l’université d’Edimbourg en Ecosse, a eu la chance de poser la main sur une mine d’or scientifique : des milliers de fiches de résultats individuels à des tests de capacités mentales, soigneusement conservés par le ministère de l’Education écossais depuis la première moitié du XXe siècle.
Les autorités écossaises avaient fait passer ces examens aux enfants de 11 ans afin d’orienter la politique éducative du territoire. La première vague de tests fut lancée en 1932 auprès de 87 498 jeunes personnes. La deuxième, effectuée en 1947, concernait 70 805 autres adolescents.
Après la découverte de ces archives, il ne fallut pas longtemps à Ian Deary et à son équipe pour se convaincre de refaire passer ces tests à ces mêmes anciens adolescents, près de 70 ans plus tard pour les premiers et 50 ans pour les seconds.
"Cette étude de mesure des capacités mentales porte sur la plus longue période dans toute la littérature scientifique",se plait à souligner l’universitaire.
L’utilisation de tests scolaires pour mesurer les capacités mentales est contestée par de nombreux psychologues, qui la jugent inadaptée. "Certes, ces résultats n’ont qu’une valeur prédictive des capacités mentales, répond Ian Deary. Toutefois, mon équipe, composée de psychologues, de biologistes, de sociologues et de représentants de la santé publique considèrent que cette valeur prédictive est suffisante pour la corréler directement aux capacités intellectuelles des sujets testés.".
L’équipe de Ian Deary a donc convaincu près d’une centaine de personnes ayant déjà subi les tests initiaux de les repasser dans les mêmes conditions. Le chercheur évoque d’ailleurs dans ses publications l’émotion qui l’a saisi lorsque, face à une assemblée d’une centaine de personnes âgées de 66 à 87 ans, il a lu mot pour mot les instructions qui leur avaient été indiquées plus d’un demi-siècle auparavant.
’Remarquable stabilité’
La vingtaine d’articles publiés par les chercheurs écossais depuis 2000 alimentent les connaissances médicales liées à la cognition et aux démences chez les personnes âgées. Ils apportent également un éclairage en recherche fondamentale pour décrire l’effet du vieillissement sur les capacités mentales.
Paru récemment, le principal résultat de l’étude montre que ces capacités ne déclinent pas entre l’âge de 11 ans et l’âge de 77 ans, en dehors du cadre de maladies neuro-dégénératives. Les résultats des tests passés entre 2000 et 2003 ont été équivalents, voire meilleurs, que ceux obtenus en 1932 ou 1947.
Par ailleurs, les différences de capacités observées entre les individus il y cinquante ans se sont maintenues. Les meilleurs en 1932/1947 étaient encore en tête de liste, tandis que les élèves plus modestes lors du premier examen sont restés en queue de peloton.
Cette remarquable stabilité des capacités mentales au cours de la vie pousse les chercheurs à penser qu’il existe une contribution à l’intelligence indépendante des facteurs liés à l’environnement social. La première explication proposée est l’existence d’un facteur génétique.
L’équipe de l’université d’Edimbourg poursuit son protocole d’étude pour affiner ses résultats. "Aujourd’hui, nous avons re-testé plus de 700 personnes", précise Ian Deary.
Ces recherches ont aussi apportés quelques éclairages anecdotiques. Ainsi, les jeunes hommes ayant obtenu un bon score en 1932 sont très souvent morts en service actif durant la seconde guerre mondiale. Quant aux personnes ayant obtenu un score faible, elles ont été plus sujettes à des cancers de l’estomac et des poumons...