À Washington, les grands brûlés sont soignés sous réalité virtuelle. Plongés dans un monde de glace, pour oublier leur souffrance. En France, le système n’est pas utilisé.
Au centre de traitement des brûlés Harborview, de l’université de Washington, les soins se font sur la glace. Du moins, virtuellement. Casques sur la tête, les patients sont plongés dans le “SnowWorld“, un monde virtuel glacé. On y rencontre des bonshommes de neige, on y fait des batailles de boules. Un voyage très enneigé qui doit attirer l’attention du brûlé sur un monde étranger à sa souffrance et à l’expérience traumatisante qu’il a vécue. Comme l’explique l’équipe de chercheurs sur le site de présentation de l’outil : "Beaucoup de patients souffrent de douleurs sévères, voire insupportables lors des soins, et ce même lorsqu’un niveau d’analgésique standard est administré."
Le système “SnowWorld“ est basé sur un principe : un signal de douleur n’est pas interprété de la même manière selon l’état d’esprit du patient. "Nous attirons l’attention de son cerveau sur un monde virtuel et nous l’éloignons ainsi de sa douleur physique." Les deux médecins qui ont imaginé “SnowWorld“, les docteurs Patterson et Hoffman (de l’Human Interface Technology Lab), précisent en gras et en majuscules dans la présentation de leur projet, que le voyage virtuel ne remplace en aucun cas le traitement médical anti-douleur, il vient juste l’accompagner. Avec certains résultats. En fin d’année dernière, une étude a été menée sur douze personnes gravement brûlées. Tous disent avoir mieux supporté les séances de soin en utilisant “SnowWorld“. L’idée n’est pas vraiment inédite. Déjà, il y a cinq ans, le Dr Hoffman utilisait un monde virtuel, le “SpiderWorld“ pour traiter les arachnophobes. Les systèmes deviennent juste de plus en plus performants et de moins en moins chers. La Paul Allen Foundation vient d’ailleurs d’attribuer 220 000 dollars au projet.
Une méthode de distraction améliorée
En France, pas de casque pour les patients. Jacques Latarget, directeur du service anesthésie-réanimation du Centre des brûlés de l’hôpital St Joseph-St Luc de Lyon, n’est pas convaincu par l’originalité de la méthode "SnowWorld“. "C’est vrai que ça a un côté spectaculaire mais finalement ce n’est qu’une technique de distraction améliorée. Dans cette catégorie, il y a aussi l’hypnose ou la relaxation. Disons que “SnowWorld“ demande beaucoup de temps et d’argent pour un intérêt limité." Si elle ne dispose pas de monde virtuel, la France a développé un réseau efficace : 22 centres spécialisés qui accueillent chaque année près de 3 000 malades sur les 10 000 à 15 000 hospitalisés, selon l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). "Après les centres spécialisés, on est aiguillés vers un centre de rééducation. Et c’est là qu’il y a souvent un manque, notamment de psychologues", précise Paul Villain, président de l’Association des brûlés de France. Lui n’a jamais entendu parler de l’expérience américaine. Mais parle de la sienne avec émotion. Brûlé à 63 %, il y a huit ans, Paul Villain a connu la douleur "insupportable des premières semaines. Notre corps n’est alors plus le même. Sa sensibilité a changé. Et c’est la guerre, un moment où tout incident, même minime devient insupportable". Comment prendre la mesure de cette douleur ? "Rappelez vous ce que vous ressentez quand vous vous brûlez. Maintenant multipliez la souffrance, étalez là à tout votre corps et laissez la perdurer pendant des semaines. Ça ressemble à la souffrance d’un brûlé."
Description du projet “SnowWorld“:
http://www.hitl.washington.edu/rese...
Extraits du monde virtuel
http://snowworld.simwright.net/
Association des brûlés de France:
http://www.assocbrulfrance.fr.st/
Inserm:
http://www.inserm.fr
Un site très bien documenté sur la question:
http://kinebrul.free.fr