"Les blogs se ressemblent tous, c’est le revers de la simplicité d’emploi" [Davduf]
Le fondateur de Boomtchak revient sur l’impact des logiciels libres de publication sur le web non marchand
Trois ans jour pour jour après sa création, le site Boomtchak fermera ses portes le 30 novembre prochain. Pour beaucoup, le site du journaliste connu sous le pseudonyme de Davduf était devenu la référence francophone en matière de Content Management Systems (CMS), les systèmes de gestion de contenu en français. Ce terme désigne des logiciels libres et gratuits, tels que Spip, phpNuke, Xoops, PostNuke, etc., qui permettent de créer des sites web dynamiques, et donc de pouvoir s’exprimer sur le web sans pour autant être un as de la technique. Ils ont ainsi permis l’impressionnant essor des blogs, ces sites personnels mélant chroniques, carnets de route ou journaux intimes.
Véritable révolution pour le web non-marchand, les CMS sont aujourd’hui de plus en plus utilisés tant par les administrations que par les professionnels. Le fondateur de Boomtchak, qui fustigeait autrefois dans son webzine la Rafale ceux qui ne voulaient voir dans l’internet qu’un vaste centre commercial, analyse pour Transfert.net la situation du web indépendant.
Arrêtez-vous Boomtchak à cause du succès des blogs ?
Davduf : Non, non pas du tout. Disons que ce troisième anniversaire fin novembre représentait une bonne occasion. J’aime bien arrêter mes sites à date anniversaire. Une sale manie, probablement. Plus sérieusement, j’ai préféré tout arrêter plutôt que de tomber dans une routine. C’est aussi simple que ça.
Par ailleurs, la plupart des CMS possède aujourd’hui leur site-support francophone. La perte de Boomtchak, si perte il y a, est moindre. Disons, pour schématiser, qu’il y a eu la solitude, la lassitude, la fatigue, l’énervement face à certains comportements : c’est incroyable, pour certains, comme open source rime avec service public ; et gratuité avec tout-m’est-dû.
Mais, surtout, surtout, après trois années à aider les autres à s’auto-publier, j’avais envie de... m’auto-publier. Ou plus exactement de consacrer plus de temps à mon site perso (où je risque de poursuivre quelques petits articles sur le CMS que j’utilise, Spip). Mais pour ça, il faut dégager du temps...
La fin annoncée de Boomtchak, en revanche, a déclenché tellement de réactions que nous réfléchissons à une solution. Pas question de faire machine arrière : Boomtchak sera bien mort le 30 novembre. La question est surtout celle de sa sépulture. Phil B., qui héberge Boomtchak contre vents et marées depuis si longtemps, semble partant pour héberger une version gelée (en html), sans mise à jour. Alors, surprise le 30 novembre : soit la version gelée, soit la liquidation totale.
De plus en plus de sites, notamment gouvernementaux, utilisent Spip. Comment voyez-vous la situation des CMS ?
Les CMS se portent... à merveille. Ces dernières semaines, c’était même incroyable le nombre de projets. Maintenant, soyons clairs : beaucoup réinventent la roue. Beaucoup s’inspirent de leurs prédécesseurs sans toutefois (et hélas) chercher à s’en démarquer. Prenons phpNuke, le plus connu. Il a enfanté tellement de dérivés qu’on dirait un listing statistique du ministère de l’Intérieur ! Et que constate-on ? Ils se ressemblent tous. C’est à pleurer.
Le phénomène est similaire avec les blogs. Les outils de publication, du moins côté visiteurs, se différencient peu. Rien ne ressemble plus à un blog qu’un blog. C’est le revers de la simplicité d’emploi. Cela vaut pour les CMS. Nous devons nous interroger. N’est il pas absurde que l’on s’exprime avec les mêmes colonages, les mêmes boites à liens au même endroit, les mêmes forums, que l’on soit Japonais, Argentin ou Français ? Le graphisme, la forme, ne seraient-ils rien ? Ou alors une forme de mondialisation des esprits créatifs ?
Heureusement, il y a quelques initiatives qui se démarquent. Des initiatives, dans le monde des CMS, comme... Spip. L’une des raisons du succès de Spip, selon moi, réside dans l’identité de ses initiateurs. L’un est informaticien (je crois), l’autre journaliste, le troisième webzineur devant l’Eternel. Cette concentration/ce mélange ont accouché d’autre chose que d’un outil de programmeur.
Que pensez-vous du "web indépendant" aujourd’hui ?
Il est là, l’étendard un peu en berne, sans doute ; mais il est là, sans le dire. Finalement, c’est peut-être sa réussite la plus folle. S’être distillé partout, comme ça, sans mot dire. Mais cette réussite tient, aussi, de la... défaite (provisoire ?) du web marchand. Que les électrons sont à nouveau si doux, depuis que la bu-bulle Internet ne fait plus de bulles, ni de milliers de balles.