Le 9 avril 2003, Privacy International a annoncé les résultats des premiers "Stupid Security Awards", décernés aux mesures de sécurité les plus aberrantes. Les aéroports se sont distingués en obtenant plusieurs prix.
Fondé en 1990, Privacy International est un groupe de défense des droits de l’homme qui déniche et dénonce les méthodes de surveillance emloyées par les gouvernements et les entreprises. Basé à Londres, Privacy International est à l’origine des Big Brother Awards. Il décerne aussi désormais des Stupid Security Awards, un prix remis pour la première fois cette année.
Le jury des Stupid Security Awards a dû choisir parmi 5 000 nominations provenant de 35 pays différents. Les prix ont été décernés dans cinq catégories. Rapportées par des observateurs bénévoles, les candidatures ont été analysées par 8 jurés : des scientifiques, des journalistes et des professeurs, tous spécialisés dans les problémes liés à la sécurité.
Numéro vert à Canberra, laisser-passer à Moscou
Le premier prix a été décerné au gouvernement australien pour sa campagne de sécurité nationale. "Une campagne basée sur la délation, avec appel à dénonciation de tout comportement suspect, explique Jérôme Thorel, un des jurés, journaliste, membre de Privacy International et responsable des Big Brother Awards français. Une campagne d’envergure, avec un numéro de téléphone gratuit indiqué sur des autocollants distribués gratuitement."
Le deuxième prix a été décerné au maire de Moscou, distingué pour les "Propiska identity papers". Les étrangers et les citoyens russes qui se rendent à Moscou doivent obligatoirement se procurer ces laisser-passer dans un délai de trois à dix jours. Mais ces derniers sont délivrés par un bureau ouvert seulement 2 à 3 heures par semaine, devant lequel les files d’attentes n’en finissent pas et dont les employés se montrent peu coopératifs. "Une incroyable histoire de mafieux, explique Jérome Thorel. Pour rester à Moscou, il faut obligatoirement connaître quelqu’un de la mafia ou lâcher un billet de 10 dollars."
Un parfum de scandale...
Parmi les vainqueurs, on note une proportion importante de lieux liés aux transports publics, aéroports en tête. L’aéroport international de Philadelphie a ainsi été déclaré vainqueur du prix "le plus inexplicable" : des agents ont souhaité analyser le contenu d’une bouteille d’eau de Cologne.
Second de cette catégorie, l’aéroport londonien de Heathrow, dont les membres chargés de la sécurité ont confisqué à un passager l’emballage de sa boite de thé, sur laquelle figurait la mention "gunpowder tea". Les employés anglais ne connaissaient visiblement pas cette célèbre marque de thé vert chinois, baptisé "poudre à canon" car ses feuilles séchées forment de petites boules sombres.
Dans la catégorie du prix "le plus scandaleusement intrusif", l’un des terminaux de l’aéroport new-yorkais JF Kennedy a remporté la première place : des employés ont obligé une mère qui allaitait son bébé à boire son propre lait.
... qui peut parfois sentir l’embrouille
"Non récompensée, une des compagnies qui gère les ferrys qui amènent les passagers d’une des petites villes qui entourent Copenhague vers la capitale du Danemark, aurait mérité une place au palmarès, note Jérôme Thorel, qui déplore le nombre important de vainqueurs d’origine américaine ou anglaise. Le système de sécurité biométrique mis en place par cette compagnie semble en effet disproportionné par rapport à la durée et la dangerosité potentielle du trajet..."
Autre compagnie de transport primée : la société ferrovière BART, dont les trains parcourent la région de San Francisco. Un des dossiers préférés de Jérôme Thorel, qui en sourit encore : "Par mesure de sécurité, BART a fermé tous les WC de ses gares. Une odeur pestilentielle règnerait désormais dans le réseau de la compagnie..."