Un inventeur du circuit intégré, les pères des diodes laser utilisées dans les lecteurs de CD et les fibres optiques, les inventeurs des écrans souples : les Nobel 2000 en physique et chimie privilégient la technologie plutôt que les sciences fondamentales.
Surpris, le nouveau Prix Nobel de physique Jack S. Kilby a accueilli en robe de chambre les journalistes américains venus le féliciter. Ce retraité de 77 ans est récompensé par l’académie suédoise "pour sa contribution à l’invention et à la mise au point du circuit intégré", le composant de base de tout appareil électronique aujourd’hui, de l’ordinateur au lave-linge en passant par le téléphone mobile. Son invention ne date pourtant pas d’hier : c’est en 1958 que Jack S. Kilby met au point le premier circuit intégré dans les laboratoires de Texas Instruments. S’il n’était pas mort aujourd’hui, un autre inventeur aurait pu être associé à Kilby : Robert N. Noyce construisit un autre circuit intégré à peu près au même moment et participa plus tard à la création de la société Intel. Surprise, la communauté scientifique l’était aussi suite à cette attribution. Car la naissance du circuit intégré, aussi importante soit-elle, tient plus de l’ingénierie que de la physique pure. Or, jusqu’ici, les Nobel revenaient plutôt à des travaux fondamentaux tels la découverte de particules élémentaires ou de nouveaux états de la matière...
La dérive des Nobel
Si Kilby est l’exemple le plus saisissant de la dérive des Nobel, les autres lauréats en physique et chimie ont aussi participé à la mise au point de techniques très présentes dans notre environnement technologique. Kilby ne recevra que la moitié du prix de 913 000 dollars du Nobel de Physique, l’autre moitié revenant au Russe Zhores I. Alferov (70 ans, Institut de physique et technique A.F. Ioffé, Saint-Petersbourg) et à l’Américain Herbert Kroemer (72 ans, université de Californie, Santa Barbara). Les deux chercheurs sont récompensés pour avoir, dès la fin des années 50, "inventé et mis au point les hétérostructures semi-conductrices". Une technologie à la base des transistors ultrarapides utilisés dans les télécommunications satellitaires ou des diodes laser qui convoient l’information le long des câbles à fibres optiques et qui servent également à lire CD et DVD.
Le plastique, c’est fantastique
En chimie, le Japonais Hikedi Shirakawa (64 ans, université de Tsukuba) et les Américains Alan J. Heeger (64 ans, université de Californie, Santa Barbara) et Alan G. MacDiarmid (73 ans, université de Pennsylvanie, Philadelphie) se partageront les 913 000 dollars. À la fin des années 70, ils ont les premiers montré que les plastiques peuvent être conducteurs, sous la forme de polymères et sous certaines conditions. Aujourd’hui, leurs recherches ont notamment abouti au développement d’une couche antistatique sur les pellicules photos et de fenêtres "intelligentes" (qui repoussent la lumière solaire en été). Mais le meilleur reste à venir : diodes souples (pour l’affichage) et transistors souples (pour les circuits intégrés) pourraient rapidement changer la face de l’informatique. Avec - pourquoi pas ? - des écrans que l’on déroule et que l’on accroche au mur comme des posters et des PDA que l’on replie dans la poche...