Le pseudo "bras armé" de Sos-racaille servait surtout à la publicité et au recrutement
La galaxie de sites racistes et islamophobes hébergés par Liberty-web, sur laquelle le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) a enquêté (lire notre dossier), s’est à plusieurs reprises fait l’écho des agissements de "Comités Canal Résistance". Prônant l’action violente, ce groupuscule était surtout spécialiste de l’agit-prop.
En février 2003, la Division nationale anti-terroriste (Dnat) rejoint d’autres services de police dans l’enquête concernant les activités de sites racistes et islamophobes hébergés par Liberty-web. L’intérêt de la Dnat est mû par un appel au meurtre lancé à l’encontre de Jacques Chirac. Posté le 21 février sur le forum de discussion français fr.soc.politique, le message a pour auteur un certain JackyNice (democrasse06@mail.ru), qui signe son appel "CCR".
Les "Comités Canal Résistance" sont apparus la première fois en août 2001, via un premier communiqué publié par sos-racaille.org, le plus connu des sites hébergés par Liberty-web. Les CCR étaient présentés comme une "organisation clandestine" créée "au coeur du dispositif d’Etat" par des policiers et magistrats écoeurés de l’impunité dont feraient l’objet les "racailles"
Les CCR auraient également compté dans leurs rangs des informaticiens disposant "d’entrées directes dans des fichiers "sensibles" de sorte de "retrouver la racaille, et la châtier comme elle le mérite, sans passer par les ’circuits habituels’ officiels".
Leur leader spirituel, un certain "Colonel X", affirmait, pour sa part, être un ancien militaire disposant encore de solides relations dans l’armée.
Censés être le "bras armé" de la nébuleuse Liberty-web, les CCR visaient explicitement à enrôler ceux qui, considérant l’islam et la communauté maghrébine comme un danger pour la société, se disaient "prêts à ’bouger’ et à payer de (leur) personne pour renverser ce gouvernement de pourris".
Quelques jours après la fermeture des sites hébergés par liberty-web au début du mois de mars 2003, le "Point de chute" (un forum temporaire censé regroupé les membres du réseau) publiait un autre communiqué. Le texte indiquait que les CCR se préparaient à "comme ils l’avaient annoncé, frapper TRES durement Ben Shirak et une dizaine d’autres cibles vendant la France aux musulmans, ce sera le 9 septembre de la vermine pro-musulmane de France. La meute de moutons francais devra alors prendre ses responsabilités, soit en se terrant comme une bande de rats, soit en suivant les appels des CCR et en prenant les armes".
Finalement, le seul passage à l’acte revendiqué, reste le barbouillage "aux couleurs de la République" de quinze mosquées le 27 janvier 2003. L’ampleur de ces "attentats" à la peinture a néanmoins été minorée par les autorités - qui ne recensèrent que six lieux de culte peinturlurés - et peu de médias s’en sont fait l’écho.
Considérer seulement les CCR comme une bande de velléitaires frustrés en mal d’action violente serait cependant une erreur. D’abord parce que le registre de ce pseudo-groupuscule, adepte de la désinformation et de la manipulation, entremêlant son discours d’info et d’intox, était plutôt celui de la "guerre psychologique".
Ensuite, le dossier du Mrap révèle que l’un des membres actifs du réseau aurait déjà été impliqué en 1982 dans le plastiquage de la mosquée de Romans-sur-Isère. Une provocation supposée entraîner une réaction de la communauté maghrébine, qui elle-même aurait dû générer un sursaut de la population "de souche"...
Pour le Mrap, qui a pu consulter des discussions privées entre les membres actifs de sos-racaille.org, l’objectif poursuivi par ce réseau reste le même : imputer à la communauté d’origine maghrébine des actions "terroristes" afin de créer les conditions d’une guerre civile en France.
C’est sans doute prêter beaucoup d’importance aux CCR. Plus prosaïquement, ces derniers semblent surtout avoir eu un impact dans le domaine de la propagande interne à la galaxie Sos-racaille. La radicalisation du discours servait un double enjeu : faire connaître le réseau et ses idées auprès des grands médias et attirer de nouvelles recrues.
"Les CCR voulaient créer une prise de conscience, c’était du racolage pour se donner plus d’importance et attirer du monde", confirme Denis Greslin, ancien candidat du Front national et du Mouvement national républicain à diverses élections, l’un des rares protagonistes de l’affaire Sos-racaille à avoir été placé en garde à vue (Lire notre article).
On pourrait ajouter que le choix des mots plutôt que celui des armes permettait aussi d’éviter tout dérapage grave. "Ca a servi de défouloir à certains, affirme Denis Greslin. Mieux vaut qu’ils le fassent sur internet qu’en prenant un flingue."
L’envoi de balles de 22 long rifle assorties d’une menace de mort à douze personnalités ne cachant pas leurs sympathies palestiniennes avait cependant été applaudi par certains des intervenants de sos-racaille.