Réunis à Paris, du 20 au 22 mars 2002, les responsables des Académies de médecine du monde se penchent sur les maladies infectieuses.
Comment résoudre les problèmes de santé au niveau mondial ? C’est à cette ambitieuse question que tente de répondre l’IAMP (le Groupe Interacadémique médical), une association qui regroupe les académies de médecine du monde ainsi que les sections « médecine » des académies des sciences. Créée en 2000, cette association organise actuellement (du 20 au 22 mars 2002) une rencontre autour du thème des maladies infectieuses à Paris. Dans ce domaine, il n’y a pas que le SIDA qui fasse des ravages. Moins médiatisées, les maladies telles que la tuberculose, le paludisme, la diarrhée, les hépatites ou les maladies infectieuses respiratoires tuent aussi des millions de personnes dans le monde. Mais alors que des techniques de prévention et de traitement permettent de lutter contre la propagation de ces maladies, de nombreux pays n’y ont pas accès. C’est le cas de la plupart des habitants des pays en voie de développement et des habitants à faible revenus des pays riches.
Des vaccins moins chers
L’ IAMP, dans son rôle de conseil, souhaite notamment que les gouvernements et les entreprises pharmaceutiques proposent des médicaments et des vaccins à des prix accessibles aux pays riches comme aux pays pauvres. « Dans ce domaine, une approche basée sur le marché ne peut pas fonctionner, explique le professeur Kenneth Shine, de l’Académie des Sciences des Etats -Unis. La mise au point d’un vaccin nécessite des centaines de millions de dollars. Comment imaginer qu’une société pharmaceutique investisse dans des vaccins qui concernent essentiellement des pays pauvres, sans l’assurance de pouvoir faire de larges profits ? ».
Toute aussi délicate, la question de la prise de risque qu’entraîne l’administration massive de certains vaccins (on se souvient du problème du vaccin contre l’hépatite B en France) a aussi été évoqué. « Faut-il sauver des millions de personnes avec un risque de mortalité qui peut atteindre 1 sur 1000, ou doit prendre le risque de laisser se répandre des épidémies sans vacciner ? s’interroge Guy de Thé, membre de l’Académie Nationale de Médecine. C’est une question politique dont je ne connais pas la réponse ». Au delà des aspects économiques posés par les vaccins, leurs conditions de conservation (certains vaccins ne se conservent qu’en milieu réfrigéré) et leur mode d’administration (certains requièrent plusieurs injections) posent aussi des problèmes accrus dans les pays en voie de développement. « Nous devons réfléchir sur les liens entre recherche, fabrication des produits et délivrance des thérapies, souligne Guy de Thé. Il ne s’agit pas d’ apporter nos techniques dans les pays pauvres. Il faut construire les infrastructures nécessaires à la recherche, à la prévention et à la guérison dans ces pays. Il faut aussi favoriser les collaborations entre scientifiques, en associant les spécialistes de ces pays à nos recherches ».
Bio-sûreté contre bioterrorisme
L’avenir de la collaboration entre scientifiques de différents pays faisait aussi partie des thèmes abordés cette semaine par l’IAMP. Le gouvernement américain recommande en effet aux chercheurs de limiter leurs échanges dans certains domaines qu’il considère comme « sensibles », pour ne pas fournir d’informations aux bioterroristes. « Bien sûr, il faut tout mettre en œuvre pour ne pas aider les terroristes, affirme Kenneth Shine. Mais on ne peut pas faire de recherche, notamment en matière de lutte contre le bioterrorisme, si on ne développe pas les rencontres, les forums, et si on n’échange pas des spécimens et des souches entre scientifiques de différents pays ». L’ensemble des questions soulevés durant ces trois jours de rencontres parisiennes sur les maladies infectieuses sera-t-il entendu par les responsables des différents pays ? Pas sûr. Une grande partie de ces questions figure toutefois dans la déclaration de l’IAMP intitulée « contrôler les maladies infectieuses au 21è siècle ». Disponible en ligne, elle est accessible au grand public...et aux gouvernants.