Pour la pédégère de la marque de lingerie, la liberté d’expression s’arrête au porno.
Ann-Charlotte Pasquier est la gardienne. "C’est sûrement subjectif, mais je suis la gardienne d’une marque. (...) Je suis la seule à pouvoir décider ce qui lui porte atteinte ou pas." Or, selon Ann-Charlotte Pasquier, qui assume tout à la fois la fonction de gardienne, de pédégère, de responsable du marketing et de la communication (ouf...) d’Aubade, les détournements "Daubade" contre lesquels la marque de lingerie se bat actuellement sont "d’une vulgarité sans nom, c’est en dessous du film porno X". Chacun est juge de ce qui est du porno ou pas, vulgaire ou non. En l’occurrence, si elles étaient distribuées par un canal autre qu’Internet, lesdites images ne seraient sans doutes pas classées comme pornographiques mais comme "roses", façon film "érotique". Vulgaire, mais pas porno. Ann-Charlotte Pasquier souligne que sa marque n’a jamais attaqué des détournements ne sombrant pas dans la pornographie, comme d’ailleurs celui de Karl Zero. "Certains sont amusants, sympathiques, c’est le jeu d’Internet, la liberté d’expression." Mais si l’on pousse un peu plus loin dans la discussion, la pédégère explique qu’outre l’aspect "porno" des détournements, il y a, pour elle, comme une étrange histoire d’atteinte à l’image (et aux biens ?) de son entreprise...
Juste que les images disparaissent
"Le code visuel de la campagne est déposé !", tempête Ann-Charlotte Pasquier lorsque l’on tente de savoir quel genre de dommages un détournement humoristique graveleux diffusé sur des petits sites persos peut bien causer à sa marque. "C’est la même chose que si une personne vient s’installer dans votre salon et dit qu’elle va y faire ce qu’elle veut. On n’a pas le droit de venir se servir dans mon sac !", poursuit-elle. Et demander des millions de dommages et intérêts à des particuliers qui seront, si le juge statue en ce sens, ruinés ? Ann-Charlotte Pasquier souligne que l’on "ne peut pas non plus se baser sur l’enfance malheureuse des criminels pour savoir si oui ou non ils ont transgressé la loi". Et de préciser que de toutes façons, Aubade n’attend pas un sou d’un tel type de procès : "Les juges ne condamnent pas les particuliers à payer ces sommes. Il faut juste demander cela pour être écouté. Tout ce que nous voulons, c’est que les responsables des sites retirent ces images." La pédégère laisse entendre que Aubade n’a pas encore porté plainte et que tout ce qui lui importe, c’est que les images disparaissent. Transmis donc à une entreprise qui héberge ces images et d’autres, du même acabit, "cachées" sur son serveur. Mais ont-ils reçu le mail du service juridique d’Aubade ? Ann-Charlotte Pasquier précise enfin la discussion sur le sujet nourrit sa propre réflexion et qu’Aubade va sans doute modifier son approche pour ces situations.
De la métaphysique
L’argumentation d’Aubade est assez intéressante. En clair, Aubade fait de l’art tandis que ces détournements sont de la pornographie. Il n’y a donc pas à discuter pour savoir s’il s’agit d’humour, de pastiche, de parodie. Il n’y a pas, non plus, matière à discussion pour savoir si oui ou non, la campagne Aubade présente la femme sous la simple forme d’un objet de désir. D’ailleurs, Ann-Charlotte Pasquier explique sans rire qu’elle ne parle pas [dans la campagne Aubade, NDLR] de sexualité, "je parle métaphysique, j’invite à méditer". "On ne se demande pas si une statue de Rodin est une mauvaise utilisation de l’image de la femme." C’est de l’art, on vous disait. On retrouvera d’ailleurs les mêmes arguments postés dans les forums de discussion du site des Chiennes de Garde qui abordent la question des femmes objets dans la publicité. Comme si les responsables d’Aubade postaient dans ces forums. Ce qui n’est pas impossible puisque une personne de l’agence chargée de la communication d’Aubade, la Fabrique d’Images, intervient à titre personnel dans les forums de Transfert à propos d’Aubade, sans se présenter véritablement... La personne en charge de la communication d’Aubade chez La Fabrique d’Images nous a d’ailleurs contactés. Nous en avons profité pour lui demander pourquoi s’attaquer à des particuliers. "Ce ne sont pas des particuliers ! e-connerie.com, vous avez vu ?". Vu quoi ? "Et bien, c’est un .com. Donc, c’est une entreprise !" Vu comme ça...