Le projet de traité sur la cybercriminalité devra être réécrit une 23e fois. C’est ce que vient d’annoncer un porte-parole du Conseil de l’Europe. Ce dernier aurait beaucoup de mal à mettre tout le monde d’accord.
Le Conseil de l’Europe, chargé de la rédaction d’un traité international de lutte contre la cybercriminalité (voir Cyber-criminalité : l’Europe dégaine l’arsenal répressif), doit revoir sa copie dans le courant de la semaine. C’est ce que vient d’annoncer l’un des responsables de l’organisation, qui met en avant le mauvais accueil du projet par la société civile. Selon l’agence Reuters, qui révèle le report, les autorités chargées de négocier le traité auraient reçu pas moins de 400 e-mails de protestation depuis avril dernier : "Nous avons été surpris par la violence de ces remarques" a ainsi déclaré Peter Csonka, l’un des responsables des services de lutte contre le crime économique au Conseil de l’Europe. 400 e-mails en 7 mois suffiraient-ils à faire changer d’opinion les négociateurs, policiers ou politiques, de 47 pays ? Selon des sources proches du Conseil, le délai accordé serait au moins autant dû aux critiques faites à l’encontre du projet qu’à la difficulté qu’il y a à mettre d’accord autant de cultures juridiques, policières et politiques différentes. Le texte du traité en était déjà à sa 22e mouture !
Tollé international
Il y a quelques mois, des responsables du Conseil de l’Europe, réunis à Paris pour le premier sommet du G8 consacré à la lutte contre la cyber-criminalité, se targuaient d’avoir mis à disposition sur l’Internet leur projet de traité, fait inédit dans l’élaboration de conventions internationales relatives aux services de police. Sûrs d’eux, ils affirmaient aux journalistes que rien ni personne n’entraverait la bonne marche du projet, qu’ils avaient bien reçu quelques e-mails de protestation depuis qu’ils en avaient mis le brouillon en ligne, mais que ceux-ci étaient bien souvent caricaturaux, sinon insultants, et que cela ne changerait rien à l’affaire. Quelques mois plus tard, la dernière mouture du projet soulevait enfin un tollé international, la lettre ouverte de la Global Internet Liberty Campaign, relayée en France par l’association IRIS (Imaginons un réseau internet solidaire), recueillant les signatures d’une trentaine d’organisations de défense des droits de l’homme et des liberté sur le réseau.
Contraire au droit de l’Homme
"Nous ne voulons pas adopter un texte contre l’avis des gens, déclare aujourd’hui Peter Csonka à Reuters, nous avons appris qu’il est important d’expliquer ce que nous voulons signifier en termes clairs parce que les termes légaux peuvent parfois prêter à confusion." Le problème reste néanmoins entier : c’est moins l’incompréhension des "termes légaux" que les risques de dommages collatéraux, en matière d’atteintes à la vie privée, que contestent ceux qui s’opposent à l’actuelle rédaction du traité. La lettre du GILC avance ainsi que le projet, en l’état, est incompatible avec plusieurs articles de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et de la Convention Européenne sur le même sujet. Les cyberflics se seraient-ils aperçus qu’il existe d’autres "termes légaux" qui iraient à l’encontre de leur projet ? Suite en fin de semaine.