La Ligue belge des droits de l’Homme s’oppose au vote électronique. Patrick Charlier explique pourquoi. Entretien.
Eric Mugneret |
Pourquoi vous opposez-vous au vote automatisé ?
Nous sommes contre l’automatisation des opérations de vote. Nous avons pris position contre le vote électronique tel qu’il est organisé en Belgique. À notre sens, il n’offre pas toutes les garanties d’un contrôle démocratique suffisant. Le système ne met pas à l’abri d’erreurs, de manipulations ou de fraudes à grande échelle.
Quels défauts majeurs présente ce système de vote ?
D’abord, il y a un problème de confiance des électeurs dans le vote. Le citoyen ne peut jamais être sûr que le choix qu’il a fait est bien celui qui est enregistré sur sa carte magnétique, ni celui qui sera lu par l’urne électronique. Avec un bulletin papier, il n’existe pas d’intermédiaires entre ma volonté et l’expression de mon suffrage. Dans le cas du vote électronique, cet intermédiaire existe : c’est un système informatique et les techniciens qui l’ont développé. Le deuxième défaut du vote électronique est qu’aucun recomptage manuel n’est possible. Encore une fois, on ne se prémunit pas contre des erreurs à grande échelle. Les programmes de contrôle des suffrages sont gardés secrets. Certains ont demandé d’accéder aux codes sources des logiciels utilisés. Pour le ministère de l’Intérieur, c’était trop dangereux avant les élections. Ce qui montre qu’une fraude est techniquement possible...
Vous avez même demandé la présence d’observateurs internationaux lors des élections de dimanche. Pour un pays comme la Belgique, cette requête peut surprendre...
Nous avons effectivement engagé des démarches auprès du Haut-commissariat des Nations unies, de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) ou du Conseil de L’Europe. Il s’agit de sensibiliser les élus politiques belges. Les organismes contactés étaient plutôt surpris que cette demande émane d’une vieille démocratie comme la Belgique. Ils n’ont pas pu, pour des raisons pratiques, envoyer des missions de contrôle en Belgique.
Finalement, qui assure le contrôle "technique" de ces élections ?
C’est un collège de neuf experts nommés par les différentes assemblées belges. Lors des premières élections, le 13 juin 1999, il s’agissait par exemple d’informaticiens du Parlement. Ils ont d’ailleurs remis un rapport assez critique sur le temps qu’il leur était accordé pour contrôler le bon déroulement des élections.
La Ligue est tout de même très virulente à l’égard de l’...tat belge...
Pour être clair, nous ne pensons pas qu’il y ait une réelle volonté de manipulation de la part du gouvernement belge. Nous souhaitons simplement réagir avant que ce système ne se généralise. On ne peut parier sur l’avenir : nous ne savons pas qui sera au pouvoir dans 5 ou 10 ans. En Belgique, nous avons quelques dossiers sensibles liés aux différentes communautés linguistiques. Les communes de la périphérie de Bruxelles sont par exemple en région flamande mais avec une majorité de francophones. On pourrait imaginer qu’un logiciel de fraude distribue automatiquement les votes de francophones sur des listes francophones. Même chose pour la ville d’Anvers où le parti flamand d’extrême droite, le Vlaams Blok, oscille entre 25 et 30 % des voix. Certains veulent réduirent son influence. Potentiellement, les tentations de toutes sortes existent.