Jean-Paul Basquiat est le créateur du site Admiroutes, un site éditorial consacré à la modernisation des services publics par l’Internet.
Quand et comment avez-vous découvert Internet ?
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À partir de 1995, sur les conseils de Christian Schérer, qui militait au sein de l’...cole des mines de Paris pour que l’administration française cesse de tourner le dos à ce média. J’avais écrit un premier livre sur le sujet [Administrations et autoroutes de l’information, chez Eyrolles] que Christian avait mis en ligne bénévolement sur le site de l’ENSMP [l’...cole des mines], à ma grande stupéfaction, et avec l’accord inquiet de l’éditeur. Il m’a conseillé, à cette occasion, de me doter d’un e-mail.
Pourquoi vous êtes vous impliqué dans Internet ? Quel a été le déclic ?
Ayant vu la puissance de cet outil, le rôle qu’il pouvait jouer pour moderniser et démocratiser les administrations, mais n’ayant aucun encouragement de ma hiérarchie, j’ai décidé, avec quelques amis, notamment Anne Bedel, de créer une association loi 1901, Admiroutes, essentiellement afin d’obtenir de l’Afnic un nom de domaine, admiroutes.asso.fr. Sur ce site, nous avons commencé à publier divers textes, d’esprit différent. Nous avons créé, financé et géré le site nous-mêmes de bout en bout. J’ai donc appris les subtilités de l’Html. Mais j’étais déjà un accro du micro, de même qu’Anne Bedel et nos premiers partenaires. Admiroutes et le site de Christian Scherer, Adminet.com, ont depuis le début vogué ensemble. Cela continue, dans une excellente entente.
Quand avez-vous compris que cela allait vraiment décoller en France ?
Guère avant l’arrivée du gouvernement Jospin et le lancement du Pagsi [Plan d’action gouvernemental pour la société de l’information]. Auparavant, les quelques tentatives faites en France restaient dispersées, et finalement mal vues. Le phénomène était résolument nié par les nombreux intérêts qu’il gênait.
Comment avez-vous vécu la période automne 1999-printemps 2000 ? Que faisiez-vous ?
En 1998, j’avais fait en un rapport sur Internet et l’administration pour le Premier ministre, puis j’ai écrit un deuxième livre chez Berger-Levraut sur ce sujet. Dans le même temps, j’ai participé au lancement des Fêtes de l’Internet, des Cahiers de doléances (doleances.org), suivi les diverses initiatives de l’Internet citoyen, par exemple autour de la crise de l’Erika, etc. Il y avait donc une bonne ambiance. Mais, vu de l’administration où j’exerçais encore, je constatais les profondes réticences, voire les refus, venant là encore d’intérêts divers (internes ou externes à l’administration) qui refusaient les facilités, les simplifications et les transferts de pouvoir rendus possibles par Internet.
Comment analysez-vous aujourd’hui cette frénésie de huit mois ?
La frénésie a surtout touché le commerce, et surtout les ...tats-Unis. Dans le secteur public, on en était loin. Pour ceux qui connaissent un peu le commerce et l’industrie, il était évident que l’arrivée de quantité de gens incompétents qui croyaient gagner de l’argent en vendant de la nourriture pour chiens sur Internet ne pouvait durer. Les analystes financiers, comme toujours, ont suivi la mode sans s’interroger.
Quel a été, selon vous, le signal de la chute des dotcoms ?
Subitement, les gourous qui pronostiquaient la mort des activités traditionnelles n’ont plus fait parler d’eux. Plus sérieusement, j’estime qu’en Europe, et notamment en France, l’...tat a cessé de jouer le rôle d’impulsion qu’il avait entrepris en 1998. Tant qu’un pourcentage infime de citoyens avait accès à Internet, que l’éducation n’apprenait pas à l’utiliser, que les juristes se mêlaient de tout en ne comprenant rien, que l’Internet sur téléphone portable UMTS était considéré comme une vache à lait au lieu d’être encouragé, bref que tous ceux qui se sentaient menacés ont repris le pouvoir, la révolution Internet ne pouvait plus réussir, au moins à court terme. De ce fait, le retard français, me semble-t-il, ne cesse de s’accroître.
Que faites-vous aujourd’hui ?
Je continue à entretenir admiroutes.asso.fr. Mais surtout, depuis un an, je m’occupe d’un site et d’un magazine en ligne lancé avec un ami, Christophe Jacquemin, consacré à l’intelligence artificielle, la robotique et la réalité virtuelle, ainsi qu’à toutes les sciences et philosophies impactées. C’est passionnant et le lectorat s’accroît gentiment.
Croyez-vous toujours autant à Internet ?
Plus que jamais, mais couplé à l’intelligence artificielle. Nous allons lancer un projet prochainement, avec quelques scientifiques, sur les systèmes auto-adaptatifs ou réseaux massivement multi-agents. Malheureusement, ce sont les ...tats-Unis, comme toujours, qui mènent le jeu dans ce domaine, comme dans quantité d’autres.
Croyez-vous au commerce en ligne ? Croyez-vous à l’avenir du Web non marchand ?
Oui, dans les secteurs bien balisés. Par exemple, j’achète dorénavant tous mes livres en ligne, je réserve mes billets SNCF de la même façon... Cela fait gagner beaucoup de temps et élargit le choix.
Comment voyez-vous les années à venir ?
À mon avis, ce sera le démarrage, à grande échelle, de l’intelligence artificielle révolutionnaire, située soit sur le Web (comme le projet américain Webmind), soit dans un environnement physique difficile (robot d’exploration martienne). Ainsi que dans tous les domaines où il y a aujourd’hui de l’informatique, et il y en a beaucoup.
Quelles vont être, selon vous, les futures grandes échéances et que vont-elles apporter ?
Je vois à court terme, et pour me limiter à la France, deux questions. Avant ou après les élections, aurons-nous un changement profond de l’attitude des hommes politiques (et des citoyens) vis-à-vis des technologies de l’information et de la communication et de la science ? Aurons-nous une extension de l’Internet citoyen à toutes les questions et acteurs de la mondialisation, pas seulement pour faire de l’intifada, mais pour débattre des problèmes et envisager des solutions au plan mondial ? Sur ce sujet, nous venons d’écrire un article collectif