A 9 ans, Tariq Krim découvre Arpanet. Devenu grand, il crée mptrois.com et se fait l’avocat des sites musicaux.
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Quand et comment avez-vous découvert Internet ?
Depuis 1982 – je vais fêter mes vingt ans de Réseau à la fin de l’année ;-) ). Je considère que j’ai eu beaucoup de chance d’avoir eu accès, très tôt, à un modem. Cela a, dès le début, complètement changé ma perception de l’informatique et m’a définitivement éloigné des jeux pour m’intéresser aux protocoles de la télématique.
Pourquoi vous êtes-vous impliqué dans Internet ? Quel a été le déclic ?
Dans la philosophie de l’underground informatique, le plus important était de maîtriser la technologie avant qu’elle ne nous maîtrise. Donc, le plus simple était de s’impliquer technologiquement et de lire tout ce qui nous passait entre les mains. Vers la fin des années 80, j’ai bricolé un mini serveur RTC qui se connectait à Usenet et au mail pour 300 personnes. À partir de là, je devenais un membre actif du Réseau. Le vrai déclic est survenu quand j’ai compris que tous ces réseaux étaient en train de devenir un réseau unique, Internet, et que si tout le monde marchait dans le même sens, tout allait vraiment changer.
Quand avez-vous compris que cela allait vraiment décoller en France ?
Parce que ça a vraiment décollé ? Je ne sais pas. En 1995, tout le monde voulait y croire, mais la mayonnaise avait du mal à prendre. À mon retour des ...tats-Unis, en 1999, j’ai découvert, ébahi, que tout le monde ne parlait plus que de cela.
Comment avez-vous vécu la période automne 1999-printemps 2000 ?
Plutôt bizarrement, je percevais une énergie créatrice, mais en même temps je me méfiais, car le moteur du Net est la passion, l’argent vient bien après.
Que faisiez-vous ?
J’ai monté une boîte, comme tout le monde.
Comment analysez-vous aujourd’hui cette frénésie de huit mois ?
Un mélange d’excès, d’espoir, de créativité... En même temps, je trouve stupide d’avoir tout détruit. Le pire, dans le Web, c’est l’intelligence, le savoir-faire qui disparaît sans se recycler. Tout le monde apprenait ! Des deux côtés : entrepreneurs (évidemment) et investisseurs (surtout). Certains ont assumé leurs fautes (les entrepreneurs), d’autres ne l’ont pas vraiment fait (les investisseurs) et recommencent les mêmes bêtises dans d’autres secteurs. Le plus important est de placer son projet web dans la durée et d’apprendre. Aujourd’hui, j’estime qu’on a enlevé deux droits aux entrepreneurs du Net : celui d’être ambitieux et celui de faire des erreurs.
Quel a été, selon vous, le signal de la chute des dotcoms ?
Goldman Sach et Meryll Lynch.
Que faites-vous aujourd’hui ?
Toujours la même chose.
Croyez-vous toujours autant à Internet ?
Sur le Web, demain est mieux qu’hier même si les produits que l’on y trouve sont en apparence moins créatifs.
Croyez-vous au commerce en ligne ? Croyez-vous à l’avenir du Web non marchand ?
Aux ...tats-Unis, oui ; en France, les gens ne prennent pas leurs responsabilités, notamment en termes de service client.
Comment voyez-vous les années à venir ?
On consolide à tout va. Tous les secteurs, notamment ceux qui nécessitent une diversité de pensée et de créativité sont aujourd’hui pénalisés. Regardez les sites de médias, c’est désormais devenu une économie de survie ! Finalement, on n’est pas très loin du monde réel. Il existera quelques bonnes idées, des projets audacieux au milieu d’une grande monotonie et d’un manque de prise de risques.
Croyez-vous toujours dans ce qu’on a appelé la netéconomie ?
Aujourd’hui, on entre dans une période de récession internet. Réduction des outils de production, des effectifs, mise en doute des modèles. S’il y a « net croissance » et une « net récession », alors il y a une netéconomie.
Quelles vont être, selon vous, les futures grandes échéances et que vont-elles apporter ?
L’arrivé du haut débit va révolutionner la consommation des contenus, mais c’est vraiment trop long d’attendre ! Côté serveurs, Zope est le produit le plus important du Net depuis Linux. On a eu la chance, avec mon partenaire, d’être parmi les pionniers d’une technologie qui va révolutionner le Web.
Enfin, d’ici cinq ans, la masse d’information disponible sur le réseau
va pouvoir rendre plausible la création d’intelligences artificielles qui se nourrissent du savoir disponible sur la toile. Ce
seront les remplaçants des moteurs de recherche inaptes à traiter les très
forts volumes d’information du réseau et capable de penser « littéralement les recherches » sans les ressortir bêtement.