3,2 millions d’euros en moins pour l’ANRS. A croire que la pandémie recule...
Le 22 juillet dernier, le professeur Michel Kazatchkine, directeur de l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS), a envoyé une lettre aux chercheurs qui bénéficient ou ont bénéficié d’un financement de cet organisme dans le cadre de leurs recherches. Michel Kazatchkine souhaitait attirer leur attention sur la réduction de 10 % du budget de l’ANRS. En contradiction avec le discours prôné par le gouvernement sur la lutte contre le sida, cette coupe budgétaire a aussitôt déclenché la colère et l’inquiétude des associations, dont Act Up. La semaine dernière, la baisse a été revue à 7,6 %, soit 3,2 millions d’euros.
Créée en 1992, l’ANRS n’emploie pas de chercheurs. Son rôle : allouer des financements à des scientifiques qui mènent des études en sciences fondamentales et en sciences appliquées dans le domaine de la lutte contre le sida. Intervenant dans un large panel de disciplines, l’ANRS finance aussi bien des programmes d’essais cliniques auprès de volontaires que des études en sciences sociales. Elle s’est engagée à soutenir les travaux en matière de prévention et d’accès aux traitements dans les pays pauvres.
Comme plusieurs établissements de recherche publics, l’ANRS a été confrontée, cette année, à une baisse importante du budget alloué par le gouvernement. Pour 2003, celui-ci a été amputé de 10 %, soit 4,2 millions d’euros.
"Obscénité"
"Le gouvernement Raffarin décapite la recherche sur le sida. (...) Quelques semaines seulement après la Conférence de Paris sur la parthogénèse et les traitements, où tous, chercheurs, médecins et associations, ont souligné l’importance de cette agence unique en Europe, cette décision est simplement obscène", commentent les membres d’Act Up Paris, dans un communiqué publié le 20 août 2003 sur le site de l’association.
"Ce n’est pas le moment de diminuer les budgets de recherche sur le sida", explique Emmanuel Trenado, membre de TRT5 (pour Traitements et recherche thérapeutique, un groupe qui fédère huit associations françaises de lutte contre le sida) et responsable du lobby thérapeutique à l’association Aides. "On pourrait penser que le problème du sida est réglé depuis l’arrivée des trithérapies. Mais de nombreuses questions restent sans réponse."
Parmi ces questions, Emmanuel Trenado évoque la toxicité des médicaments (comment lutter, sur le plan thérapeutique et financier, contre les effets de la lipoatrophie du visage, par exemple), la période idéale pour démarrer un traitement (délivrés trop tôt, certains médicaments favorisent le développement de résistances chez les personnes malades) ou l’échec thérapeutique (comment soigner les personnes qui résistent à tous les traitements ?).
Le militant associatif cite aussi l’importance des travaux financés par l’ANRS dans le domaine des sciences sociales. "On assiste aujourdhui à une reprise des conduites à risques. On a besoin de savoir quelles personnes sont concernées et dans quelles circonstances pour mener des actions de prévention efficaces."
Enfin, Emmanuel Trenado souligne l’importance des recherches menées grâce au soutien de l’ANRS pour trouver un vaccin préventif et un vaccin thérapeuthique, deux pistes controversées par une partie de la communauté scientifique mais porteuses d’espoir pour de nombreux malades (Lire "10 ans de sida, toujours pas de vaccin").
Examen de rentrée
La semaine dernière, le gouvernement a assuré Michel Kazatchkine que les crédits gelés de l’agence seraient dégelés. Une mesure qui porte la baisse du budget de l’ANRS non plus à 10 % mais à 7,6 % (soit 3,2 millions d’euros).
Cette décision ne suffit pas à rassurer les représentants des associations de lutte contre le sida. Une délégation doit rencontrer Michel Kazatchkine au début du mois de septembre. En fonction des conséquences qu’entraîne la baisse du budget de l’ANRS, les membres de cette délégation décideront des actions qu’ils souhaitent mener.
Selon les recommandations du groupe d’experts dirigé par le professseur Delfraissy pour la Direction générale de la santé, qui dépend du ministère, il y avait, au 30 juin 2001 en France, environ 25 000 personnes atteintes du sida. La progression du nombre de personnes vivant avec le VIH, désormais stable, serait de 6 % par an.