Vendredi 9 février, Craig Venter, fondateur et PDG de l’entreprise privée Celera, a annoncé la publication de la carte du génome humain. Au menu : moins de gènes que prévu, et une grande ressemblance entre les ethnies, ainsi qu’entre les hommes et les animaux.
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Vous voyez, là, c’est moi, le jour où j’ai annoncé ma candidature au poste de président des ...tats-Unis." La photo représente effectivement Craig Venter sur une tribune, avec Bill Clinton, la tête tournée vers le généticien. Vendredi 9 février, le chercheur américain a choisi cette mise en scène, mi-mégalo mi-solennelle, pour annoncer ce que des scientifiques du monde entier attendaient depuis des années : la publication de la carte du génome humain. Invité à participer au forum Biovision qui se déroulait à Lyon du 7 au 11 février, le spécialiste de la génétique a exposé le résultat de ses travaux, avec chiffres et diapositives à l’appui.
La carte est (presque) complète
À la tête de l’entreprise Celera depuis 1998, Craig Venter ne manque ni d’humour, ni d’ambition. S’il a lâché du leste sur l’accessibilité de sa carte du génome humain - après moult hésitations, il a finalement décidé de ne pas faire payer ces données mais de les rendre publiques - c’est, disent certains, parce qu’il court après un prix Nobel. Certes, sa carte du génome humain n’est pas encore complète : de nombreux spécialistes de la génétique considèrent que 30 % du séquençage manque à l’appel, mais, pour Craig Venter, ce "trou" n’est qu’une broutille. Les résultats obtenus par Celera seront donc publiés vendredi 16 février dans la revue Science. Soit quelques jours après ceux du projet public concurrent, signés par le Consortium international de séquençage du génome humain et présentés dans la revue Nature datée du jeudi 15 février, mais d’ores et déjà disponibles en ligne.
Des gènes communs avec le rat
"Une de nos plus grandes surprises a été de découvrir que le nombre de gènes dont l’homme dispose est beaucoup moins élevé que ce qu’imaginait : entre 30 000 et 40 000", a précisé Craig Venter. Et la liste des surprises ne s’arrête pas là. Les travaux de Celera révèlent aussi que nous partageons un grand nombre de gênes avec la mouche, le rat, la plupart des mammifères et mêmes certains poissons. "Le gène PAX6 est responsable du mauvais développement de l’iris chez l’homme. Or, lorsqu‘on insère ce gène chez la mouche, celle-ci devient aveugle", a expliqué le généticien. Autre découverte fondamentale : les ressemblances génétiques ne s’arrêtent pas aux espèces animales. "De façon générale, il y a davantage de différences entre l’ADN de deux caucasiens qu’entre un caucasien et un africain", a-t-il souligné. Des découvertes qui remettent en cause pas mal de préjugés. "Nous devons désormais changer notre façon de penser pour étudier la diversité des populations", a conclu le chercheur.
Un peu de patience
Mais l’ensemble de ces découvertes ne doit pas faire oublier que le travail à accomplir reste immense. "40 % des gènes humains que nous connaissons ont une fonction que nous ignorons", a précisé le généticien. Or, cette connaissance est indispensable pour mettre au point des médicaments basés sur des molécules capables de booster ou d’inhiber le travail des protéines, produites par l’interaction de plusieurs gènes. Avant les premières retombées thérapeutiques, les malades devront donc faire preuve de patience. C’est ce qu’a souligné Craig Venter, qui a tenu à préciser : "10 à 20 ans seront nécessaires pour parvenir à décrypter les relations entre gènes et protéines, et pour connaître les centaines de milliers de protéines qui s’expriment dans les trillions de cellules qui composent le corps humain."