L’opérateur anglais renomme "O2" sa division mobile avant de l’introduire en bourse. Le marché apprécie cet abandon du téléphone portable, pas les syndicats.
Le géant anglais BT a annoncé, lundi 3 septembre, qu’il donnait à sa division mobile BT Wireless un nouveau nom plus futuriste : "mmO2" désigne désormais BT Wireless, alors que les autres entités de cette division s’appelleront "O2" à partir du printemps prochain (l’opérateur mobile anglais Cellnet, l’allemand Viag Interkom, le néerlandais Telfort et l’irlandais Digifone). Pour le chairman Sir Bland, ce ravalement de communication va faire entrer BT Wireless dans le nouveau millénaire, grâce à un patronyme "moderne et universel, symbolisant l’engagement". Quant au préfixe "mm", s’il "n’a pas de signification précise", il "peut évoquer le multimédia ou l’an 2000". Ouf ! En fait, l’annonce faite par BT est une étape de plus vers la prochaine introduction en bourse de BT Wireless. BT a en effet pris la décision, en mai dernier, de se séparer de toute sa division mobile et suscite des réactions contradictoires.
Colère des syndicats
"Il est absurde de se séparer de BT Wireless alors que c’est le seul pôle à fort potentiel de croissance", attaque Jeannie Drake, secrétaire général du Communications Workers Union, qui représente 80 000 employés de BT. Pour la syndicaliste, partie en campagne contre le projet il y a plusieurs semaines, l’abandon de BT Wireless est mauvais pour les salariés mais aussi pour les actionnaires de BT : "Cette petite entité sera rachetée en bourse par l’un des grands acteurs européens comme l’espagnol Telefonica, ce qui mènera inévitablement à des restructurations et des licenciements. Et, du point de vue des actionnaires, il n’est pas bon que BT cesse d’offrir une gamme complète de services à ses clients et fasse une croix sur le futur. BT rentre dans une spirale à la baisse", analyse Jeannie Drake. Représentant 10 000 des 15 000 employés de BT Wireless, CWU fait du lobbying intensif auprès des seniors managers du groupe et des investisseurs institutionnels de BT. Mieux, Jeannie Drake a obtenu, en sollicitant le chancelier de l’Echiquier Gordon Browne, une entrevue avec la directrice du Département du commerce et de l’industrie (DTI). "Le sort de l’opérateur national est un sujet sensible pour le gouvernement Blair et nous savons qu’il n’y a pas unanimité au sein du conseil d’administration de BT sur la question", assure Jeannie Drake, qui a évoqué une possibilité de grève du personnel si la séparation de BT et BT Wireless n’était pas reconsidérée.
Cible de choix
Une fois séparée du groupe, BT Wireless n’aurait en effet pas les moyens de se développer seul au niveau européen et ses 16,9 millions de clients deviendraient une cible de choix pour les concurrents. "BT Wireless est une proie attractive. Orange (France Télécom) est déjà présent en Angleterre mais je vois Telecom Italia et l’espagnol Telefonica comme acquéreurs probables", explique Joseph D’Virgilio, qui dirige le département d’analyse financière du secteur des télécoms pour la Société Générale à Londres. "Vu l’état de la bourse, cela peut prendre jusqu’à deux ans mais BT Wireless sera racheté, en cash ou par actions", précise-t-il. Si les détails de l’opération ne sont pas encore définitifs, BT Wireless devrait, lors de son introduction en bourse, en novembre prochain, peser entre 10 et 15 milliards de livres sterling et porter "entre 0 et 2 milliards de livres" de la dette globale de BT. Conspué par la presse et les analystes depuis plusieurs mois, BT voit en effet dans son énorme dette un problème central.
Rassurer les marchés
Pour rassurer les marchés, BT s’est employée à la réduire de 37 à 17 milliards de livres en quelques mois, en vendant des actifs. Avec l’abandon de BT Wireless, l’opérateur anglais va encore plus loin. "BT reconnaît simplement qu’il n’a pas les moyens d’être un grand acteur en Europe. Elle ne peut faire les investissements nécessaires pour le passage à la troisième génération et financer son expansion internationale. C’est une bonne décision, faite face à la nécessité d’agir", explique D’Virgilio. BT se concentrera donc sur son réseau de lignes fixes qui, si sa croissance risque de ne pas dépasser les 2 à 3 % par an, est beaucoup moins vulnérable que le secteur téléphonie mobile. Débarrassé de ce risque, le titre BT devrait être moins chahuté que ceux de groupes comme France Télécom ou Deutsche Telekom. "BT a souffert des erreurs de l’américain AT&T, son partenaire international. D’ici à 5 ans, quand la consolidation des telecoms sera achevée en Europe, je pense que BT sera même absorbé en entier", prédit D’Virgilio. En attendant ce futur glorieux, les détails de l’introduction en bourse de BT Wireless seront fixés cette semaine. Les syndicats ont promis de réagir en fonction.