Brian Flemming, 36 ans, lance le film "open source". Inspiré du logiciel libre, ce concept consiste à mettre en accès libre les rushes d’un film. Ce réalisateur indépendant applique ces principes à Nothing So Strange, son film déjà culte avant d’être sorti en salle (lire Mais qui a tué Bill Gates ?). Montré au festival de Sundance en 2002, cette fiction documentaire met en scène l’assassinat de Bill Gates et l’enquête via internet d’un groupe d’activistes sur cette sombre affaire. Brian Flemming vit à Los Angeles des scénarios qu’il écrit pour le cinéma et le théâtre.Il veut maintenant développer le concept de film open source en lançant Free Cinema, une organisation qui emprunte autant à la communauté du logiciel libre qu’à la charte Dogma 95, le mouvement inventé par Lars Von Trier.
Bill Gates s’écroule, mort, dans le docu fiction culte de Brian Flemming (DR)
Qu’est ce qu’un film open source ?
Nous allons aviser au fur et à mesure... (rires) L’idée est de rendre les rushs du film librement accessibles à toute personne qui désire en faire quelque chose. Donner un accès gratuit à la matière première d’un film est une idée que je trouve intrigante. Personne ne fait cela, je suis vraiment curieux de voir ce que ça va donner.
Votre version du montage de Nothing So Strange reste, elle, soumise au copyright ?
Oui, même s’il n’y pas de sortie commerciale prévue pour Nothing So Strange, car nous n’avons toujours pas trouvé de distributeur. Par contre, nous allons sortir les rushes du film, sur support DVD. Le DVD sera disponible sur le site de Citizens for Truth, le groupe d’activistes imaginaire qui enquête sur la mort de Bill Gates dans le film, et devrait être vendu via le site d’Amazon. Les gens devront payer pour le support DVD, pour rembourser son coût de fabrication, mais nous offrons par contre nos droits de propriété intellectuelle. Nous pourrions aussi proposer les rushes en téléchargement grautit, mais cela reste un peu limité, vu le poids énorme des fichiers image par rapport à la bande passante des internautes.
Selon vous, pourquoi n’avez-vous pas trouvé de distributeur pour Nothing So Strange ?
Personne n’a encore fait de film sur l’assassinat d’une personne vivante, très célèbre et puissante de surcroît... Le dessin animé Southpark avait déjà une petite scène montrant l’assassinat de Bill Gates mais le cas est inédit pour un film, et tout le monde a peur des implications légales d’un tel projet. Aux Etats-Unis, personne ne veut mettre les pieds dans une controverse politique et un territoire juridique inconnu.
L’annonce du passage de votre film en open source n’est-il pas une stratégie pour lui faire de la publicité et trouver un distributeur ?
Nous n’avons aucun problème de publicité pour Nothing So Strange, qui a eu des dizaines d’articles, jusque dans Time magazine et USA Today ! Mais je ne me cache pas du fait que j’ai pensé au film open source comme concept alternatif parce que je ne trouvais pas de distributeur. Cette marginalité économique me permets de chercher de nouvelles solutions et de prendre des risques.
Comment comptez-vous organiser le développement le film open source dans le futur ?
Il faut étendre le concept et impliquer de nouvelles personnes. C’est pour cela que j’ai décidé de lancer, avant la fin de l’année, une organisation qui s’appelera Free Cinema. Il y aura deux règles : 1/ le film ne doit pas coûter d’argent 2/ le film doit être "copyleft", c’est-à-dire libre de droit ("copyleft", ou "gauche d’auteur", s’oppose au copyright, NDLR).
Pensez-vous que le film open source puisse changer quelque chose à la situation économique du cinéma indépendant ?
Le fait que quelqu’un puisse se servir du matériau de base d’un film n’enlève rien à la valeur de votre oeuvre. L’idée du "free cinema" est de prouver que, grâce à la technologie et à la récupération, les films peuvent être aussi peu coûteux à produire que les romans, par exemple. Les réalisateurs pourraient distribuer leur film gratuitement, sur le réseau, et faire de l’argent en collectant l’écume de cette vague d’énergie. Je m’explique : O’Reilly, le leader mondial de l’édition de livres informatiques, donne de nombreux ouvrages en téléchargement libre, mais ça ne l’empêche pas de vendre des copies papier de ces mêmes livres. Dans le même genre, Björk laisse ses fans remixer ses morceaux. Même si la copie de mon film est gratuite, cela peut tout de même être un service que de recevoir ma version, en DVD, chez soi. Ou de la louer, via un service par abonnement comme Netflix. Au fond, l’échange de fichiers est une des seules façons de se faire connaître pour les indépendants, dont les ventes de CD montent depuis l’apparition du mp3. Mais l’idée est plus d’élargir l’horizon de pensée des acteurs du cinéma indépendant que de révolutionner totalement l’industrie cinématographique...
Le site du film Nothing So Strange:
http://www.nothingsostrange.com/
Le site du groupe d’activistes qui enquête dans Nothing So Strange:
http://www.citizensfortruth.org
Mais qui a tué Bill Gates? (Transfert.net):
[https://www.transfert.net/a8680]