Le cinéma ne se montre plus seulement sur grand et petit écran, il arrive sur mini-écran, celui des téléphones portables. Le Word’s Smallest Film Festival (WSFF), qui se veut le festival des plus petits films du monde, tiendra sa troisième édition en janvier 2004. Les oeuvres présentées, réalisées par des artistes du monde entier sévissant dans et hors de l’internet, tentent de montrer que malgré les contraintes du support, il y a toujours de la place pour la créativité. L’organisateur est la société californienne BigDigit, spécialisée dans la commercialisation de contenu pour téléphones mobiles.
A en croire Beau Buck, le directeur général du WSFF, les très courts métrages gagnent en popularité : "A la première présentation du festival, le concept était révolutionnaire. Il était très difficile de rassembler les films et de sensibiliser les publics à ce genre de format. Depuis, tout va beaucoup mieux."
Pour le moment, le World’s Smallest Film Festival se greffe sur d’autres événements ou conférences. Par exemple, en mars 2003, la CTIA (Cellular Telecommunications & Internet Association) de la Nouvelle-Orléans, ou en septembre dernier, lors de la Mobile Commerce World exhibition de Londres, salon professionnel de fournisseurs de services mobiles.
Beau Buck estime qu’environ 40 000 personnes ont assisté à son festival itinérant et annonce six à douze éditions dans l’année à venir.
Un genre à part
Quelles différences entre le film pour portables et le film classique ? Deux contraintes : "La petite taille des écrans de téléphones et l’intérêt limité du spectateur", explique Beau Buck. C’est pour cette dernière raison qu’il est conseillé aux créateurs et aux réalisateurs participant au festival de présenter des oeuvres ne dépassant pas les trois minutes.
Le format de création le plus populaire est le Flash, issu du célèbre logiciel d’animation propriétaire de l’éditeur Adobe. D’autres réalisent en format vidéo .avi ou .mpg4.
Les mini-films ont un mode de diffusion à part. L’attente étant un facteur discriminatoire pour le spectateur mobile dernière génération, les films sont téléchargés en streaming, pour être joués dès les premiers instants du rapatriement des images (la vidéo est lue comme un flux et non téléchargée comme un fichier entier). "Un autre mode de diffusion consiste à précharger les films sur les portables, par exemple sur le Nokia 3650 ou le Sony Ericsson P800", ajoute Beau Buck, qui avait auparavant fondé Bingo.com, une sorte de loterie en ligne sur le modèle du site Bananalotto.
Pour toucher le public le plus large, les films portables doivent être miniaturisés au maximum. BigDigit a récemment confié ce travail technique à Streamezzo, une start-up française issue du laboratoire de recherche et développement de France Télécom. Cela consiste à transformer les création produites au format Flash en fichiers au format Mpeg-4, en utilisant une version de ce format vidéo spécialement adaptée aux mobiles. Ce mode permet la diffusion des films sous forme de flux.
La conversion s’appuie sur SVG (Scalable Vector Graphics), un format de dessin vectoriel dérivé du protocole XML, et qui est sous-utilisé et méconnu.
"La taille des fichiers est réduite d’un tiers, assure Olivier Avaro, fondateur de Streamezzo. Dans les films que nous avons convertis en format adapté aux portables, certains ne dépassaient les 100 kiloctets mais duraient tout de même une trentaine de secondes."
500 oeuvres, expérimentales et satiriques
Actuellement, environ 500 petites oeuvres sont disponibles, selon Beau Buck. Tous les genres sont présents, provenant des grandes nations de l’internet. "Les Allemands font des films assez expérimentaux. Les Japonais sont dans l’animation, les Britanniques dans la satire, les Américains dans les fictions et dans le documentaire...", résume le directeur du festival. Des tendances apparaissent : comédie et satire.
Les "plus petits films" sont visionnables sur tous les téléphones portables de la génération 2 et demie (2,5G), qui acceptent tous le GRPS comme mode de transmission de données. Les films sont également téléchargeables sur d’autres appareils mobiles, comme les assistants personnels et PDA de type Palm Pilot ou iPaq.
Selon Strategy Analystics, société de conseil sur les nouvelles technologies, la consommation de vidéo sur portables 2,5G représentera d’ici 2005 près des deux tiers des dépenses totales sur ce médium, estimées à environ 21 millions d’euros. "Ce marché est tout jeune, souligne Olivier Avaro de Streamezzo. Les Japonais sont en avance de deux ans sur les Européens, qui sont en avance de trois ans sur les Américains. Mais les écarts vont se rattrapper rapidement."
Une aubaine pour BigDigit, qui négocie les droits de diffusion avec les auteurs des films primés dans son festival. "Notre base de films nous permet de répondre à des demandes spécifiques, assure Beau Buck. Si un opérateur téléphonique letton nous commande des vidéos de dances folkoriques de son pays, nous pourrons lui en procurer à travers notre festival."
Quant aux artistes, ils sont actuellement récompensés "essentiellement par la reconnaissance de leur travail", reconnaît Beau Buck. Des portables, des logiciels de créations sont décernés par les sponsors. Les réalisteurs du septième art miniature deviendront-ils les intermittents du cinéma du futur ?