Opérateurs, entreprises et collectivités locales bataillent autour d’un projet de réseau sans fil
A Sillé-le-Guillaume, dans la Sarthe, le Wifi fait des remous. Une petite entreprise, DigitalRural, à l’origine d’un programme de haut de débit destiné à desservir foyers et entreprises de la région par un réseau sans fil, s’est retiré du projet qu’elle avait elle-même initié. Motif de son désengagement : selon son dirigeant, des opérateurs ont été désignés, à son insu, par les collectivités locales pour assurer la création du réseau à sa place.
En octobre 2002, Pascal de Rienzo, dirigeant de la société DigitalRural, soumet un projet de création d’un réseau de haut débit à Michel Quillet, président de la communauté de communes du pays de Sillé (qui regroupe huit communes et 3000 habitants). "Il s’agissait de créer une infrastructure basée sur un faisceau optique relayé par de la boucle locale radio", explique Pascal de Rienzo. Le projet consistait à installer des points d’accès Wifi dans chacune des 8 communes afin de prolonger le réseau très haut-débit (1,5 gigaoctets) de l’artère en fibre optique qui dessert déjà les principales agglomération du département.
Le coût total du projet, destiné à connecter 2500 foyers et entreprises, est estimé à 915 000 euros. Une première étape, dont le montant s’élève à 380 000 euros, doit permettre de connecter 600 foyers.
Démentis en cascade
Michel Quillet semble séduit par le projet de DigitalRural. En décembre 2002, il rencontre à la préfecture des membres du Conseil Général et des représentants d’Altitude, un opérateur normand. "Convoqué seulement la veille, je n’ai pas pu me rendre à cette réunion", affirme Pascal de Rienzo.
Peu de temps après cette rencontre, il apprend, "de la bouche de Michel Quillet" qu’Altitude sera finalement chargé de la mise en place du réseau. Une information reprise en janvier par le bulletin de la Fing (Fondation internet nouvelle génération) ainsi que par Libération (édition du 14 janvier 2003). Une information depuis démentie par Philippe Courcier, directeur des technologies de l’information au Conseil général de la Sarthe, et par Sylvie Leroux, responsable de la communication chez Altitude... mais aussi par Michel Quillet, président de la Communauté de communes, en personne.
"Nous ne privilégions personne, assure Michel Quillet. Dans la mesure où une collectivité locale ne peut pas être opérateur, il fallait faire appel à quelqu’un d’autre que DigitalRural pour créer ce réseau. La proposition d’Altitude nous convenait, mais nous devons maintenant la comparer avec celle des concurrents qui vont nous soumettre leur projet, suite à l’étude lancée par le Conseil général."
Un peu de précipitation
"Aucun opérateur n’a encore été désigné, affirme Philippe Courcier, du Conseil général. En tant que collectivité locale, l’Autorité de régulation des télécommunications ne nous permet pas d’être opérateur. Nous ne pouvons donc pas mettre en place une telle infrastructure, ni la confier à DigitalRural qui n’est pas non plus opérateur. Nous avons commandé une étude, co-financée par la Caisse des dépots et consignations, au Cabinet O’Malley. Aujourd’hui publique, cette étude doit permettre aux opérateurs qui le souhaitent de nous présenter leurs propositions pour créer ce réseau ".
"Altitude n’a jamais été désigné pour mettre ce réseau en place, contrairement aux propos tenus dans Libération, affirme Sylvie Leroux. Nous avions juste pris un peu d’avance sur ce projet, en demandant des informations aux collectivités locales ainsi qu’une autorisation à l’ART".
"En apprenant qu’Altitude, un opérateur contre lequel je n’ai aucun ressentiment, avait été choisi, je me suis retiré du projet, raconte Pascal de Rienzo En désignant un opérateur pour créer ce réseau, les collectivités locales ferment la porte à une solution citoyenne. Elles auraient pu en effet, via l’article L1511-6 du code général des collectivités territoriales, devenir propriétaire du réseau et donc garantir sa maintenance, qui coûte très cher. Elles auraient ensuite pu louer ce réseau à un opérateur. Cette solution aurait permis de garantir une mise en place rapide du réseau, et la maintenance des services proposés aux connectés. Mais que se passera-t-il demain si l’opérateur qui va créer ce réseau et en devenir propriétaire décide de ne pas assurer sa maintenance pour des raisons de rentabilité ? Où s’il choisit de reculer la date de mise en place pour privilégier des installations dans des zones plus peuplées ?".
A l’heure actuelle, DigitalRural tente de proposer sa solution à d’autres communes. Les collectivités locales qui gèrent le pays de Sillé doivent maintenant étudier les propositions des opérateurs intéressés par la mise en place de ce réseau, suite à l’étude du cabinet O’Malley. " Une étude que le Conseil général a été obligé de lancer, pour ne pas qu’on l’accuse d’avoir privilégié un opérateur sans faire d’appel à projets ", selon Pascal de Rienzo. En attendant le choix de l’opérateur, Philippe Courcier et Pascal de Rienzo s’invectivent régulièrement par lettres et par mails - peu aimables - interposés. Et les habitants des huit communes du pays de Sillé attendent toujours leur connexion haut débit.