À l’occasion de la Lesbian and Gay pride 2000, Spray lance Yarps, un portail communautaire destiné aux homosexuels. Et Gay.com, leader emblématique sur le marché américain, annonce le rachat du français Ooups...
Olivier
M., rédacteur en chef de Ooups, l’un des pionniers du Web gay
français (aujourd’hui gay.com)
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Chez Spray, on se veut consensuel. On vous explique d’emblée que Yarps, le portail communautaire homosexuel mis en ligne le lundi 19 juin, ne sera pas un site revendicatif et politisé. D’où le nom de Yarps, Spray à l’envers, qui sonnerait "
léger et pas sérieux". Selon Emmanuel Laurent, de Spray France, le portail soutient avant tout "
le combat pour le droit à l’indifférence" à défaut d’épouser celui du droit à la différence.
PACS téléchargeable
Yarps.fr, le portail communautaire destiné à la communauté homosexuelle lancé par SprayDR |
Au programme, les rubriques habituelles d’un portail (shopping, sorties, infos...) orientées vers "
les sensibilités homosexuelles". Et une particularité : la possibilité de télécharger, en ligne, le formulaire du PACS (Pacte civil de solidarité). "
C’est le prêt à pacser", se réjouit-on chez Spray France. Une rubrique sera consacrée à des conseils pratiques délivrés en ligne (par mail) par un juriste. Les internautes ont aussi accès à un service de rencontre en ligne baptisé GayDate. Le pendant homo de SprayDate. Son principe ? Chaque membre dispose d’une page perso sur laquelle il livre ses goûts et ce qu’il déteste. Du genre : "j’aime pas le Nutella" ou "j’aime pas les racistes"... Une boussole du cœur est censée classer vos partenaires potentiels selon le degré d’affinités. Cinq cœurs et c’est l’idylle assurée...
Gay Pride
Spray a déjà testé en Suède ce concept de portail communautaire homosexuel : l’équivalent de Yarps s’y nomme Sylvester. Mais pour s’implanter dans la communauté homo française, Spray a choisi de devenir partenaire officiel de la Lesbian and Gay Pride 2000. Un char décoré aux couleurs de la société défilera donc samedi 24 juin dans les rues de Paris. Sur le site, les rubriques seront alimentées grâce à des accords éditoriaux avec, notamment, Gai Pied (pour les gays) et le site Dyke Planet (Planète lesbienne).
Gay.com débarque en France
Fr.gay.com, un portail gay issu du rachat de Ooups par l'américain gay.com.
DR |
Spray n’est pas le seul à s’intéresser au marché français. Le site américain gay.com vient d’annoncer le rachat du site gay français Ooups "pour plusieurs millions de francs". Mais Pierre Jouanny, chargé de développer les activités de gay.com à travers l’Europe, tient à souligner la spécificité de la démarche : "
Ooups ou gay.com aux Etats-Unis ont été fondés par des gays. Désormais des portails généralistes comme Spray lancent des sites gays parce qu’ils voient dans la communauté homosexuelle une niche de marché pour se diversifier."
L’histoire de gay.com, le plus important site US de ce type (plus de 2,3 millions de visiteurs par mois), prend racine dans l’activisme de la communauté homosexuelle du quartier de Castro Street à San Francisco. Au comité de direction de Online Partners (la société qui édite gay.com) à San Francisco siège d’ailleurs David Bohnett, le fondateur de GeoCities, revendu en 1999 à Yahoo. Un entreprenaute gay, pionnier en matière de Web communautaire...
Naissance de "l’homonaute"
En fait, les sites homos s’adaptent à l’évolution générale du Web. "Désormais il s’agit pour certains sites gays de générer le maximum de pages vues afin de développer le commerce électronique", estime David Lebois, responsable de media-G, un observatoire sur le traitement de la communauté homosexuelle dans les médias. L’objectif ? Faire en sorte que "l’homonaute" consomme gay. "Je ne suis pas sûr que ce modèle économique fonctionne en France", poursuit David Lebois. Le lobby gay n’y aurait pas le même poids qu’aux ...tats-Unis... Difficile d’imaginer ici un projet comme celui du site américain glbank.com, une banque virtuelle en ligne destinée à la communauté homosexuelle. "En octobre 1999, ce site a lancé un système de compte courant. Dès le premier jour, il y avait déjà près de 14 000 ouvertures de comptes", souligne David Lebois. En avril 2000, la Gay and Lesbian Bank levait 40 millions de dollars ! Autre exemple : le site gfn.com (Gay Financial Network), un réseau financier homo qui propose un classement des entreprises selon leur politique sociale à l’égard des homosexuels. La France n’en est pas là.
Interview d’Olivier M., rédacteur en chef de Ooups, l’un des pionniers du Web gay français (aujourd’hui gay.com)
Olivier M., rédacteur en chef de Ooups
© E. Pansu / Transfert |
Comment analysez-vous le succès de Ooups ?
À l’origine du site, en 1996, il y a une bande de copains issus du milieu gay. Nous sommes partis d’un constat simple : il existait un besoin important de lieu d’échanges et d’information destinées aux gays sur le Net. Depuis quatre ans, nous avons reçu des centaines de mails nous remerciant de cette initiative. Car il est encore difficile de pousser la porte d’une association ou de demander un magazine gay comme Têtu dans un kiosque. Internet offre l’avantage de l’anonymat...
Que va changer le rachat de Ooups par l’américain gay.com ?
Nous souhaitions acquérir une démarche professionnelle. Désormais les membres de l’équipe de Ooups deviennent des salariés. Avant ce rachat, nous avions tous des activités extérieures et Ooups fonctionnait grâce au bénévolat. Nous mettions en ligne le contenu du site le week-end... L’équipe américaine de gay.com est basée à San Francisco et possède une forte légitimité dans le milieu gay américain. Mais elle ne souhaitait pas aboutir à un site français qui serait une copie conforme du site américain...
Existe-t-il une spécificité française des sites gays sur le Web ?
Ce qui est évident, c’est que les gays américains disposent de ressources beaucoup plus importantes sur le Net. Mais aussi dans les médias traditionnels. Aux ...tats-Unis, par exemple, les sitcoms abordent plus facilement l’homosexualité et les magazines gays sont très nombreux.
Les annonceurs sont-ils encore frileux pour miser sur des sites gays ?
Ça commence à changer. D’abord parce qu’ils ont pris conscience que c’est un marché à part entière. Mais aussi parce que les gays ont de manière générale un pouvoir d’achat supérieur à la moyenne... Même s’il faut se méfier des clichés. En 1997, la Fnac avait sponsorisé l’EuroPride qui avait lieu à Paris. Résultat : des centaines de courriers de protestation... Néanmoins, les choses changent et nous développons de plus en plus de partenariats commerciaux sur notre site.
Soutiendrez-vous sur gay.com les luttes concernant les droits de la communauté homosexuelle ?
Bien sûr... Mais nous ne voulons pas nous substituer aux associations. Ponctuellement nous nous engagerons sur des sujets de société comme nous l’avions fait pour le Pacs par exemple. Récemment, le gouvernement a mis en place un numéro (le 114) destiné à recueillir les témoignages de discrimination raciale. Nous comptons mobiliser les internautes sur la possibilité d’intégrer à cette notion de discrimination celle qui vise les homosexuels. Nous allons aussi développer des activités de mécénat afin de soutenir financièrement le milieu associatif gay.