Le dernier SuperBowl, événement majeur du sport américain, fut l’occasion de deux innovations technologiques utilisant toutes deux des caméras vidéo commandées à distance. Ou comment banaliser la société de surveillance.
Julien Chambaud |
Le SuperBowl, finale du championnat professionnel de football américain, est l’un des évènements majeurs de l’année aux ...tats-Unis. La dernière édition, disputée à Tampa (Floride) dimanche 28 janvier, a permis de tester en grandeur nature deux innovations technologiques majeures en matière de couplage vidéo - nouvelles technologies. Le système Eye Vision tout d’abord. 30 caméras robotisées, réparties tout autour du stade et contrôlées à distance de telle sorte qu’une simple commande permet de les faire pointer sur une seule et même "cible". Résultat : il est possible de montrer l’action en vision panoptique, offrant une vision à 360° de ce qui se passe sur le stade. Effet "grand spectacle" garanti que les téléspectateurs ont pu apprécier en même temps que les vues tirées des minicaméras planquées sur les casquettes des arbitres, ou encore les pubs virtuelles qui s’incrustaient ici ou là.
Visages des spectateurs scannés
Mais cette modernisation de la vision, par le truchement des nouvelles technologies, n’est rien à côté de ce qui se passait en coulisses. Les 100 000 spectateurs entrant dans le stade ont en effet été filmés par des caméras de vidéosurveillance. Rien que de très habituel. Ce qui l’est moins, c’est que les images étaient couplées, en temps réel, à un système informatique de biométrie reposant sur la reconnaissance de 128 traits caractéristiques du visage. Les visages des spectateurs ont ainsi été scannés, digitalisés et comparés à une base de données d’escrocs, criminels terroristes et autres "Most Wanted" répertoriés par la police de Tampa, le FBI et autres forces de l’ordre. L’opération de comparaison prenait moins d’une seconde. Bilan : 19 suspects auraient été interrogés, mais aucun gros poisson ne fut identifié. Repéré, un revendeur de tickets à la sauvette, bien connu des services de police, s’est fondu dans la foule et n’a pas été retrouvé. La police de Tampa s’est néanmoins déclarée satisfaite de l’expérience.
La police, clientèle privilégiée
L’opération fut gracieusement offerte par les sociétés partenaires, Graphco, Raytheon, Viisage et VelTek, qui cherchaient là à démontrer l’efficacité de leur système, et à le tester à grande échelle. Il est en effet question de le redéployer au moment des Jeux olympiques d’hiver de Salt Lake City en 2002, mais aussi en Europe, notamment en prévision des rassemblements de hooligans. Si les forces de police constituent la clientèle privilégiée de ce type de matériel, on compte aussi parmi leurs utilisateurs 70 casinos, des aéroports, des services de santé et de sécurisation des zones sensibles, mais aussi Sagem Morpho, société française leader des bases de données biométriques gérant plus de 100 millions de données d’identification de personnes dans le monde, et qui reçut récemment un Big Brother Awards "pour l’ensemble de son œuvre"...
Scandalisée par de cette banalisation de la surveillance et du fichage, l’American Civil Liberties a quant à elle écrit aux instances de la ville de Tampa pour qu’elle s’explique sur l’utilisation qui sera faite des données enregistrées. Car si la police annonce que les images ne seront pas stockées bien longtemps, les sociétés à l’origine de la chose se targuent d’être utilisées par les principales bases de données policières et de surveillance internationales. Six millions d’images seraient ainsi déjà archivées par Viisage, 15 000 étant rajoutées quotidiennement...