OneTel suspend la formule du “Paradis des surfeurs”, très avantageuse pour les internautes. Et provoque la colère de ses clients.
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C’est officiel : l’opérateur et fournisseur d’accès à Internet OneTel suspend sa formule "Paradis des surfeurs", lancée en mai 2000. Ce contrat édénique avait de quoi laisser rêveur : 149 F par mois, communications comprises, pour un surf illimité, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 ! Les internautes se sont littéralement rués dessus : OneTel revendique aujourd’hui 40 000 abonnés. Seulement, jeudi 20 juillet au soir, surprise : plusieurs milliers de comptes d’abonnés sont désactivés, sans aucune explication. "
J’ai appelé leur service des renseignements téléphoniques pour comprendre, raconte Laurent, un internaute. Ils avaient l’air aussi perdus que moi !"
Lundi 24, l’explication tombe : les internautes victimes de cette coupure sont soit ceux qui n’ont pas envoyé leur "mandat de sélection" (lire explication plus loin), soit ceux qui ont fait de OneTel des "utilisations abusives". En clair, dixit OneTel, soit les négligents, soit les tricheurs. Les personnes seront réabonnées sous 48 heures, au cas par cas, après vérification de la bonne foi de chacun. Selon OneTel, il n’y a donc aucun problème, tout va rentrer dans l’ordre. Sauf que l’histoire n’est pas aussi simple que cela. Du moins pas selon l’Adim (Association des internautes médiateurs), qui rejette sur l’opérateur une grande partie des fautes.
...tourdis les internautes …
Tout d’abord parce que bon nombre d’abonnés ont été désactivés sur un soupçon, alors qu’ils n’ont rien à se reprocher. Pour ceux-là, OneTel, plutôt bon joueur, promet un "geste commercial". Mais il y a pire. Ainsi les vilains étourdis qui n’ont pas envoyé leur mandat de présélection ne sont peut-être pas vraiment coupables. Ce mandat, qui prévoit de déléguer à Onetel le rôle d’opérateur téléphonique — condition sine qua non pour bénéficier du forfait illimité sur Internet —, est indispensable. Pour l’obtenir, le client devait appeler OneTel qui, promis juré, le lui faisait parvenir le plus vite possible. En attendant d’avoir renvoyer le précieux mandat, l’abonné paye le tarif, assez peu onéreux il est vrai, de 14 centimes la minute. Simple ? Pas toujours. Surtout le courrier se fait attendre, attendre...
OneTel affirme que tous les mandats ont été envoyés. Mais une majorité de clients n’ont rien reçu et ne pouvaient, de fait, rien renvoyer. L’ADIM prétend avoir prévenu la direction de OneTel du problème. Celle-ci a envoyé en juin un courrier à ses abonnés, les enjoignant plutôt sèchement de s’exécuter :
"Nous tenons à attirer votre attention sur le fait qu’à ce jour, sauf erreur de notre part, nous n’avons pas reçu votre mandat de présélection signé.
Ce document nous est essentiel, et à défaut de réception de celui-ci nous ne pourrons vous faire bénéficier de notre offre exceptionnelle et nous serons dans l’obligation de vous facturer vos communications Internet au prix néanmoins intéressant de 14 centimes la minute."
Vague de panique et de colère chez les abonnés, mécontents d’être — pour beaucoup — injustement accusés et surtout menacés de payer un tarif qu’ils n’ont pas choisi.
Finalement, une solution est trouvée avec l’accès au mandat via Internet. Parfait ? Presque : certains internautes, moins au courant, n’ont rien compris à ce sac de nœuds. Et attendent encore leur mandat…
… ou tricheurs ?
Second point : OneTel a prévu d’exclure du forfait à 149 F tous ceux qui se sont connectés simultanément, histoire de profiter — illégalement — et de revendre deux, trois ou dix connections tout en n’en payant qu’une. Bref, les tricheurs. Il y en a eu beaucoup, à n’en pas douter. Mais voilà : certains utilisateurs se seraient simplement faits squatter leur ligne par des petits malins. Car les fichiers clients de OneTel — supposés être confidentiels — sont parfaitement accessibles à n’importe quel bidouilleur un peu astucieux. Pas besoin d’être hacker, l’internaute peut, avec un navigateur classique, se passer du mot de passe personnel, s’il connaît le numéro client de sa victime. Or, selon Antoine Drochon, membre de l’Adim, "ces numéros ne sont pas difficiles à trouver, ils circulent sur certains forums" ! L’opérateur australien ne se prononce pas encore sur ces manquements à la confidentialité, plutôt gênants.
Pour OneTel, la solution consisterait donc à distinguer les tricheurs des victimes. Pas impossible, mais complexe. Et en 48 heures, comme cela a été promis, cela devient un exploit.
Comment expliquer ces cafouillages ? Selon l’Adim, qui pourrait intenter une action en justice contre OneTel, le “Paradis des surfeurs” "ne pouvait pas être viable économiquement" et la firme australienne ne pourrait pas décemment rentrer dans ses frais avec un tel forfait : OneTel doit en effet louer à France Télécom l’accès à un réseau dont l’entreprise publique garde le monopole (jusqu’au 1er janvier 2001). C’est cher, très cher. Et plus les internautes surfent, plus OneTel doit débourser. Le firme australienne reconnaît d’ailleurs qu’elle a pris des "risques commerciaux". L’opérateur suspend donc son forfait illimité, mais ne dit pas qu’il va l’abandonner. Des internautes en colère font déjà circuler des pétitions en ligne et ont saisi l’Autorité de régulation des télécommunications. Le “Paradis” va-t-il se transformer en enfer ?