Membre du secrétariat national de la coordination des sans-papiers, Sylvie, en situation irrégulière depuis six ans, a participé aux chats organisés par les différents collectifs lors de la fête de l’Internet.
 DR |
Sylvie se tient très droite sur le canapé - des coussins recouverts de tissus africains. Une voix douce qui raconte calmement. En prenant le temps de la réflexion : chaque mot compte. Sylvie a 31 ans, elle a quitté le Cameroun pour étudier en France en 1989, est en situation irrégulière depuis six ans. Cette membre du secrétariat national de la coordination des sans-papiers a participé vendredi, samedi et dimanche pour la fête de l’Internet, aux chats organisés par les collectifs de sans-papiers. Objectif : investir le Net et créer le dialogue. Interview.
Pourquoi organiser ces dialogues en ligne entre vous et les internautes ?
C’est avant tout un moyen de vulgariser la lutte et de rappeler notre existence. Pendant la Fête de l’Internet, nous étions une dizaine venant de différents collectifs pour répondre aux questions des internautes et lancer des débats. Le gouvernement français a réussi à faire croire qu’il n’y avait plus de problème avec les sans-papiers, à nier notre existence. Malheureusement, nous sommes toujours là, nous existons et nous sommes conscients que l’enjeu véritable de notre lutte reste la reconnaissance de l’opinion publique.
Utiliser Internet, ça prend une autre dimension quand on est sans-papiers ?
Pour moi, Internet c’est le rêve, c’est la possibilité de communiquer et de connaître. L’impression de faire partie d’un monde. Le site des sans-papiers, les listes de discussion permettent de se tenir informé des luttes pour la régularisation. Dans ma situation, confinée dans un espace, le Réseau mondial m’aide à rester en contact avec des personnes que je ne peux plus voir. Ma famille au Cameroun, par exemple. Depuis 1995, je n’ai pas pu y retourner, j’ai trop peur de ne plus pouvoir revenir en France. Internet, cela donne l’illusion de circuler tranquillement sans contrôle policier, sans frontière. Même si cette expérience virtuelle peut devenir frustrante.
Beaucoup de sans-papiers se servent du Net ?
Non, cela ne concerne qu’un pourcentage minime d’entre nous. La majorité des sans-papiers sont des immigrés économiques, issus des milieux les plus défavorisés de leur pays d’origine. Souvent analphabètes. De plus, une personne en situation irrégulière est plongée dans un quotidien de survie. Qui accapare tout son temps. On a peu de prise sur la réalité, c’est donc encore plus dur de se confronter à ce quelque chose d’immatériel comme Internet.
Et dans le monde physique, le quotidien d’un sans-papiers, c’est la peur ?
Plus maintenant, je n’ai plus peur aujourd’hui. Au début si : c’est une situation étrange de perdre ses papiers, on a l’impression tout à coup d’évoluer dans un monde terriblement dangereux. La véritable bataille, c’est de dépasser cette peur. Un jour, j’ai gagné cette bataille, j’ai décidé de vivre. De sortir, de parler aux gens, d’aller dans des endroits où on nous recommande de pas mettre les pieds comme à Châtelet par exemple. Et puis il y a une règle qui me facilite la vie : les policiers interpellent rarement les femmes. Cette expérience m’a transformée. En devenant "sans-papiers", j’ai découvert un autre monde, je suis sortie de ma coquille. J’ai découvert les gens, j’ai découvert le monde.