Le célèbre Massachusetts Institute of Technology (MIT), via sa lettre d’information Technology Review, vient d’annoncer l’ouverture prochaine de "Innovation Futures" (IF), un service original destiné à parier sur les tendances technologiques de demain. IF se présente comme un marché boursier de l’information. Chaque actualité potentielle peut faire l’objet d’une spéculation, formalisée par un graphe actualisé en temps réel montrant sa "cote de probabilité". Le prix de l’investissement - en dollars virtuels - fluctue en fonction du temps, et des opérations déjà effectuées par les autres "traders".
Encore en phase de test, le service sera ouvert au public en octobre, mais propose déjà quelques paris, sur des thèmes très spécialisés liés aux technologies et à la finance. Par exemple, IF demande "à combien se monteront les investissements de capital risque dans le domaine du sans-fil cette semaine ?". Trois choix sont possibles, mais l’option "entre 10 et 15 millions de dollars" semblent remporter les suffrages. A la question : "Que va décider Boeing quant à l’avenir du 7E7, son projet de jet commercial ?", l’optimisme est de rigueur. La majorité des traders-testeurs penche pour l’annonce de la poursuite du projet au printemps 2004 et l’option "Abandon du projet" ne recueille que 11 % de probabilité.
Un nouvel indicateur de tendances
Si chaque participant, selon son talent à prévoir le futur, peut espérer faire gonfler son capital de départ (10 000 dollars). Mais tout cela demeure fictif. La monnaie manipulée se nomme "X$", pour "eXchange dollars". Le seul prix réel est celui de l’abonnement au magazine du MIT. Le but n’est donc pas ici de gagner de l’argent, mais de démontrer sa perspicacité, et surtout de participer. Les créateurs du service expliquent : "Innovation Futures fait la synthèse de l’opinion collective quant à l’avenir de certaines technologies et marchés."
Entre jeu de simulation et marché boursier de l’information, IF pourrait s’imposer comme un nouvel indicateur de tendances. Complémentaire des marchés financiers, fournissant une vision plus instantanée, le service du MIT est centré sur l’avenir à court ou moyen terme. En donnant leurs prédictions sur la question : "Quand les premières applications commerciales de l’UltraWideBand seront-elles disponibles ?", les participants fournissent aux industriels concernés par cette technologie (du sans fil à haut débit, concurrent de Wi-Fi) des indications précieuses.
L’expérience d’IF fait suite à l’apparition de plusieurs services similaires, dont la popularité montre l’engouement des Anglo-saxons pour le pari, dans quelques domaines que ce soit. Le site "Long Bets" ("longs paris" en vf) propose par exemple des paris sur le futur lointain. Lancé en mars 2002 par la Long Now Foundation, le site attire l’intelligentsia US qui s’y risque à prédire la réception de signaux extraterrestres avant 2050, ou l’avènement de machines objectivement intelligentes en 2029.
Il y a deux ans était apparu "NewsFutures", un service permettant de parier en temps réel sur tous les types d’actualités, y compris en français. "Innovation Futures" s’appuie d’ailleurs sur la plate-forme de NewsFutures pour organiser les enchères et mesurer les cotations.
Parier sur des blogs ou sur des attentats
Plus récemment, les blogueurs de toutes origines se sont pris de passion pour "BlogShares", une bourse virtuelle permettant à chaque blog d’être fictivement coté, et à tout internaute de faire progresser son patrimoine en pariant sur la popularité future de ses blogs favoris. Quelque 40 000 blogs sont ainsi indexés et plus de 5 000 "traders" tentent de décrocher le titre - honorifique - de "meilleur joueur du mois".
Le gouvernement américain a dû renoncer cet été à un projet de "marché d’analyse politique" ("Policy Analysis Market", PAM). Censé débuter en août dernier et susceptible d’attirer plus de 10 000 "joueurs" en six mois, PAM aurait permis au public de parier sur les événements futurs liés au Moyen-Orient, notamment sur le risque terroriste. Devant le tollé général soulevé par l’idée, jugée "indécente" par la plupart des observateurs (et "stupide" par certains sénateurs américains), l’agence du Pentagone chargée du projet, la DARPA, a remisé l’idée au placard. Malgré le succès probable de l’initiative, l’organisation de paris relatifs à la probabilité de crises diplomatiques, d’attentats ou plus généralement portant sur la guerre n’était pas forcément opportune. Peut-être ne peut-on pas parier sur tout ?