Internet doit-il être traité comme un criminel de guerre ? C’est un peu ce que demande l’avocat de Carl Lang : supprimer toute notion de prescription pour les écrits diffusés sur Internet. L’absence de prescription, en droit français, n’existe que pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Carl Lang, du Front National, aimerait rajouter Internet.
Le procès qui se joue en ce moment à Paris est, on le comprend, très important. Et ce même si le premier acte a déjà été joué avec la décision de la cour d’appel de Paris frappant tous les medias exclusivement en ligne (lire Le FN s’attaque aux archives en ligne), Transfert veut espérer que la sagesse l’emportera. (lire Le FN s’attaque aux archives en ligne), Transfert veut espérer que la sagesse l’emportera. Sinon ? Sinon, quelqu’un lisant un article de Transfert, dans 58 ans, pourra demander un droit de réponse ou attaquer en diffamation, s’il estime être diffamé. 58 ans plus tard, un texte lu hors de son contexte peut, qui sait ? être considéré comme diffamant, même s’il ne l’est pas aujourd’hui. Lisez la presse des années 30. Ou même celle des années 70. Certains articles un peu musclés peuvent nous paraître étranges, parfois choquants. A l’époque, ils sont passés sans réels remous. Aujourd’hui, si on appliquait la règle de la cour d’appel, que Carl Lang aimerait voir confirmer, on pourrait demander à L’Express un droit de réponse pour un article écrit par Raymond Aron dans les années 60. Ce ne sont pas les mêmes hommes qui dirigent le titre ? Aron est mort ? Qu’importe. La loi est la loi, et L’Express serait obligé de s’exécuter... Ridicule situation.
Et c’est donc tout l’avenir des archives en ligne qui est suspendu à la décision du juge.
Bien sur, l’adaptation de la loi sur la presse de 1881 pose un problème sur Internet dans la mesure où le délai de prescription y est difficilement applicable : quand commence une publication ? Quand finit-elle ?
Mais le débat vaut la peine d’être ouvert.
D’autant qu’il est quand même possible, sur Internet, d’organiser un système de certification de première mise en ligne. Une sorte de dépôt légal, automatisé pour chaque article auprès d’un certificateur. L’informatique doit pouvoir apporter ce genre de solution.
On peut espérer que le forum des droits sur l’Internet, annoncé par Jospin, pourra servir à quelque chose en la matière. Sinon, les journaux en ligne n’auront aucune protection contre le harcèlement juridique. Et c’est le principe même de la liberté de la presse qui pourrait être mis en danger.