Treize villes ont participé à la semaine nationale contre la vidéosurveillance, qui s’est achevée dimanche 17 juin. À Nîmes, Montpellier, Toulouse, Nantes, Brest, Levallois, Lyon, Saint-...tienne, Perpignan, Nancy, Valence, Belfort et Vaulx-en-Velin, on a signalé les emplacements des caméras par des stickers et des banderoles. À Saint-...tienne, on a lu 1984 de Georges Orwell, assis sur une cuvette de WC. À Levallois, on a estampillé la ville "zone contaminée"... Le collectif toulousain de "Souriez, vous êtes filmés !", une association qui milite contre la vidéosurveillance, a même été jusqu’à porter plainte contre la mairie pour défaut de notification des équipements vidéo aux citoyens. Une mesure prévue par la loi mais qui, comme nous le révélions dans le dossier du dernier n°15 de Transfert consacré à la vidéosurveillance, est très peu respectée. Interview de Jean-Pierre Petit, du collectif "Souriez, vous êtes filmés !", qui vient tout juste de lancer son site.
Comment est né votre collectif ?
En 1995, lors du vote de la loi Pasqua qui légalisait la vidéosurveillance, alors que le ministre de l’Intérieur multipliait les contrôles d’identité au faciès. Il nous a semblé clair que le discours sécuritaire servait en fait à contrôler tout le monde. Le collectif a décidé de ne pas se disperser et de choisir la ville de Levallois comme cible symbolique. Le collectif "Souriez, vous êtes filmés" a failli disparaître dans la tourmente du mouvement social de décembre 1995 mais ce combat étant plus d’avant-garde, nous avons survécu en tissant des contacts de la banlieue parisienne à toute la France. "Souriez, vous êtes filmés !" n’isole pas la vidéosurveillance de son contexte global. Nous élargissons notre combat dans deux directions : la vidéosurveillance intégrée dans la panoplie du développement accru du fichage et du discours sécuritaire, et la vidéosurveillance comme élément d’un nouveau mode de vie qui réduit chacun à un rôle de consommateur conforme et soumis.
Quels sont vos modes d’action ?
Le mouvement de résistance se développe dans cinq directions : national, international, mouvement unitaire, réseau citoyen, réactions à Loft Story... En 1995, nous avons organisé deux rassemblements à Levallois ; en 1996, nous avons interrompu un conseil municipal pour déposer une pétition. Le 14 décembre 2000, une action dite "camouflage" a eu lieu simultanément à New York et Paris, en commun avec le collectif "Surveillance Cameras Players" et le collectif unitaire français CLIFTI (1), avec qui nous avons occupé le PC de vidéosurveillance de Levallois, les bureaux d’IBM où l’on surveille les salariés, la CNIL, le commissariat du 2Oe arrondissement à Paris, etc. La présence de syndicats dans cette mobilisation nous paraît un phénomène nouveau et essentiel. L’organisation des Big Brothers Awards (2) occupe une place importante dans le réseau citoyen. Toutes ces initiatives s’interconnectent. "Souriez, vous êtes filmés !" considère qu’il y a maintenant une résistance structurée qui ne demande plus qu’à s’étendre. La semaine nationale d’action contre la vidéosurveillance a ainsi été organisée quasi-totalement par le truchement de l’Internet.
Depuis la création du collectif, quelle a été l’évolution de la vidéosurveillance ?
La vidéosurveillance se développe de manière anarchique et sans contrôle. Il n’y a pas de plan concerté. L’...tat se contente d’avoir un œil bienveillant en siégeant dans les commissions départementales. Les maires, les patrons, les offices HLM, la RATP, sont soumis aux campagnes médiatiques ou électorales. Faut-il réclamer un organe régulateur qui chapeaute l’ensemble ? Il est impossible à l’heure actuelle de faire un réel état des lieux. Nous savons qu’il y a une explosion de la vidéosurveillance. La troisième ville de France, Lyon, vient de quadriller, à l’instar de Levallois, quatre de ses principaux arrondissements, l’Ile de France va passer de 27 villes vidéosurveillées à 36, les HLM tentent de faire passer la co- veillance où l’habitant va apprendre à zapper la vie de ses voisins dans le hall de l’immeuble... et maintenant la télévision s’y met. Après la version policière de la surveillance, voici venu le temps de l’apprentissage culturel de masse : l’avènement de "Loft Story" et de ses clones va, dans ce dispositif, servir de centre de formation à la soumission. Une véritable panoplie totalitaire, si nous ne réagissons pas...
"Souriez vous êtes filmés !", 3-5, rue d’Aligre, 75012 Paris
1. Collectif pour les libertés individuelles face aux technologies de l’Information comprenant la CNT-Informatique, Droits Devant, la Fédération anarchiste, AC !, Souriez, vous êtes filmés !, G1O Paris
2. Souriez vous êtes filmés ! y a reçu le prix Voltaire de la vigilance
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