Sabine Coquillard est chercheuse à l’INRIA et spécialiste de la réalité virtuelle. Au sein de cet institut, elle dirige un groupe de recherche baptisé Interaction 3D. Elle est à l’initiative de l’acquisition du plan de travail virtuel. Interview.
Quelles sont les activités de votre groupe de recherche ?
Nos recherches portent sur l’interaction de l’homme dans des environnements virtuels. Avec une question centrale : comment interagir avec des maquettes numériques ? Ainsi, nous travaillons à rendre la manipulation d’objets virtuels aussi simple et intuitive que celle d’objets réels dans la vie quotidienne. Pour le moment, cette interaction reste largement inspirée de l’univers 2D et la manipulation des objets numériques est imprégnée, par exemple, de la logique du clavier et de la souris. Pour sortir de cette logique, nous explorons différentes pistes de réflexion, comme la possibilité d’utiliser ses deux mains dans un univers virtuel ou d’intégrer le retour sensoriel dans la manipulation. Dans cette perspective, il existe par exemple des gants de données qui permettent une manipulation à deux mains des objets numériques. Nous allons aussi collaborer, avec le CEA (Commissariat à l’énergie atomique), sur des périphériques à retour d’effort. Le plan de travail virtuel installé à l’INRIA Rocquencourt servira concrètement à évaluer et tester ces nouveaux outils.
Aujourd’hui quel est l’état de la réalité virtuelle ?
La réalité virtuelle a longtemps été identifiée au port de visiocasques. L’inconvénient de ces dispositifs est que l’on ne voit pas son propre corps. C’est la forme la plus ancienne. Depuis le début des années 90,
la projection sur grand écran s’est développée. Désormais, il existe plusieurs configurations dans ce domaine. Par exemple, les salles immersives où l’image est projetée sur les quatre murs ainsi que sur le plancher et plafond. Il existe aussi ce que l’on appelle des murs immersifs (plats ou cylindriques). Le troisième type de configuration est celui du plan de travail virtuel, que nous avons installé à l’INRIA. L’avantage de cette configuration est qu’elle permet une manipulation sur une table et une superposition entre l’espace virtuel et son propre espace visuel. Ainsi on manipule le virtuel directement dans son espace visuel, ce qui conduit à une interaction vraiment directe.
Dans ce domaine, quelle est la position de la France au niveau international ?
Globalement, la France est plutôt en retard. Elle est notamment sous-équipée par rapport à l’Allemagne ou aux ...tats-Unis notamment. La France rattrape toutefois son retard. Aujourd’hui il y a un boom de la réalité virtuelle dans les labos universitaires, les instituts de recherche, ou les grands groupes industriels français qui s’équipent de matériel dédié à la réalité virtuelle. Renault, par exemple, a installé en début d’année dernière un écran immersif afin de visualiser ses modèles automobiles.
La réalité virtuelle est pour le moment l’apanage des industriels ou des labos de recherche très pointus. Qu’en est-il d’une diffusion plus large de ces configurations ?
Tout le monde s’accorde à dire que les coûts de ces configurations vont baisser dans les prochaines années. Certains prototypes sont actuellement développés, notamment à Taiwan, et tournent avec des micro-ordinateurs. Mais bon, posséder une configuration de réalité virtuelle dans sa chambre, ce n’est tout de même pas pour demain !