Report de campagnes publicitaires, retrait de jeux du circuit public : les attentats du 11 septembre contre le World Trade Center à New-York et contre le Pentagone à Washington ont – momentanément – changé la donne.
" Aujourd’hui, quand on voit une tour, on ne peut pas s’empêcher
de penser aux Twin Towers World ". Qui dit cela ? Jean-Yves Rincé,
directeur général adjoint de DDB & Co, l’agence de pub
de France Telecom. Pourquoi ? Parce que lui et son client ont décidé
de retirer du circuit la campagne de publicité de France Telecom Entreprises,
qui promouvait la société, sur fond de grand building. Lancée
quelques jours avant les attentats, elle ne leur a pas survécu. Titrée
"votre e-potentiel va vous surprendre", elle mettait
en scène, dans deux photos sur quatre, des " ambiances "
de building pouvant évoquer les tours du World Trade Center de New-York.
Deux d’entre–elles ont paru trop proches à l’annonceur
et à son agence d’une ambiance évocatrice du lieu et des événements
américains. La première représentait, dans un ascenseur,
des hommes et des femmes coiffés de casques de chantier. La seconde, un
groupe, dans le hall d’accueil d’un grand immeuble dont le "
e-potentiel à tous les étages " était mis en exergue.
Les clichés avaient été pris à la Défense et
à Londres. " C’était difficile de passer ça
tant que l’actualité véhiculait les images du drame. Ça
me semble très citoyen " explique Jean-Yves Rincé, indiquant
que la suspension a été envisagée pour une huitaine de jours.
Chutes dans le vide
Chez Peugeot, on a décidé, dès le lendemain des événements,
de suspendre définitivement la campagne télé pour la 406.
Parce que, précise Roland Dumont, chargé de la communication chez
le constructeur automobile, " elle décrivait un environnement cataclysmique
qui n’était plus dans l’air du temps ". New York y apparaissait
cul par-dessus tête, peuplée de gens et d’ objets qui chutaient
dans le vide tandis que la Peugeot 406 continuait, elle, de coller imperturbablement
à la route, dans un environnement planté de hauts buildings.
Enfin, la société allemande Siemens, se trouve, elle face à
un tout autre cas de figure. Au mois de novembre 2000 sa campagne vantant le mobile
tri-bande S40, publiée uniquement dans trois journaux français (Futurs,
Science et Vie et Management) a, en effet, ressurgi sur le net, au lendemain des
attentats. Tristement visionnaire, la publicité représentait en
contre-plongée, un avion de ligne survolant le Chrysler Building de New
York. Le slogan d’accompagnement alors plutôt classique, " Dans
le monde des affaires, il suffit d’une seule arme pour démoder toutes
les autres ", apparaît aujourd’hui vraiment macabre.
Depuis le 14 septembre , le groupe Siemens diffuse donc un communiqué
de presse , s’élevant contre " une utilisation malvenue
d’une ancienne publicité ".
Les créatifs de l’agence allemande J. Walter-Thomson,
travaillant pour Siemens, n’avaient pas prévu que leur publicité
serait à ce point proche de la réalité. Gêné
par la réapparition de cette ex-campagne, Siemens tient donc à remettre
les pendules à l’heure. D’abord pour préserver son image,
ensuite parce que cette annonce peut, à juste titre, heurter les familles
des victimes. Le communiqué "condamne formellement l’exploitation
de sa publicité dans le contexte actuel et juge cette pratique inadmissible". L’entreprise tente actuellement d’obtenir de l’hébergeur
qu’il retire cette publicité du site Internet qui la publie.
Effacer les Twin Towers
Les conséquences de l’attentat ne se limitent pas aux campagnes
publicitaires. Elles touchent aussi les éditeurs de jeux vidéo et de
softwares. Ainsi, aux Etats-Unis, Electronic Arts qui venait de lancer le jeu
Majestic a suspendu sa diffusion. Parce qu’il entraînait ses participants
dans un jeu à base de conspiration et d’espionnage hyper-réaliste
qui pouvait virer à l’aigre. Pour la Cyberathlete Professional League,
la ligue américaine des " cyberathlètes ", pas question
d’annuler le tournoi international en cours (World championship) , même
si les scénarios de l’un des jeux en lice, "Counter Strike",
portent carrément sur des attaques entre terroristes et anti-terroristes.
De son côté, Microsoft vient d’annoncer qu’un patch serait
bientôt disponible pour "effacer" les Twin Towers du jeu "Flight simulator", et ce "pour ne pas causer la moindre douleur" aux futurs utilisateurs du logiciel. Le site français Gamedata en
profite d’ailleurs pour fustiger les petits malins qui, conjuguant bêtise
et irrespect, prenne le pseudo de " Bin Laden " pour jouer à
ces jeux en réseau. Toujours sur Gamedata, on apprend que le développeur
allemand JoWood repousse la sortie de " World War 3 – Black Gold ".
Les magasins américains Wal-Mart ont, pour leur part, retiré " Alerte Rouge 2", qui proposait en introduction des scènes de destruction
de New York. Ce qui était hier un divertissement dont il ne faisait pas
bon se moquer devient aujourd’hui proscrit, et un peu honteux au regard de
son pendant réel.