L’hécatombe se poursuit au sein de la presse en ligne. Après l’annonce de licenciements dans la branche internet du New York Times, Standard Media s’y met aussi. Mais en France, on reste optimiste.
Le New York Times, thestreet.com, Newscorp., KnightRidder, Red Herring, salon.com et aujourd’hui, le Standard : des licenciements sont annoncés, tour à tour, et presque tous les jours, par des journaux en ligne ou les divisions internet de journaux-papier américains.
Mardi 9 janvier, Standard Media indique qu’il se sépare de 36 employés, soit 7 % de ses effectifs. La veille, le New York Times faisait état du licenciement de 69 salariés dans sa division internet, peu de temps avant d’annoncer la revente d’un million d’actions du journal financier en ligne thestreet.com, qui a lui-même réduit sa masse salariale de 20 % en novembre dernier. "Il n’y a aucun rapport entre l’annonce des licenciements et celle de la vente d’actions", a affirmé Catherine Mathis, porte-parole du New York Times. Aucun rapport peut-être, mais ces annonces simultanées mettent clairement en évidence la mauvaise passe que traverse actuellement la presse en ligne aux ...tats-Unis.
Internet serait-il devenu une valeur peu sûre pour les médias ? C’est en tout cas ce que laisse penser la décision du groupe Newscorp., la semaine dernière, de fermer trois divisions internet pour réduire ses coûts. Selon Melissa Schumer, porte-parole du groupe interrogée par Transfert, "au tout début, Newscorp a vu Internet comme un média extrêmement compétitif. Mais aujourd’hui, le groupe préfère se recentrer sur ses activités de télévision, dans lesquelles Internet sera réintégré".
Moins de ressources publicitaires
À la base des licenciements : un manque crucial de ressources publicitaires, comme l’explique Dayna Macy, directrice des ressources humaines de salon.com : "Le nombre d’annonceurs sur Internet est en chute libre, ce qui conduit la presse en ligne à licencier." En décembre dernier, salon.com s’est séparé de 25 salariés, soit 20 % de ses effectifs. Cette annonce avait suivi de près un record atteint par le site : 50 millions de pages vues. Mais la bonne nouvelle ne lui avait pas permis de combler le manque de ressources publicitaires, qui représentent 87 % de ses revenus. "Quelques analystes prédisent un retournement du marché au cours des six prochains mois, observe Dayna Macy. Pour certaines compagnies, il sera trop tard. Mais pour les survivantes, ce sera l’occasion de capter toutes les ressources des annonceurs." C’est aussi l’avis du président et rédacteur en chef de CNN.com, Scott Woelfel, qui affirme, dans Online Journalism Review, que "les annonceurs ne sont intéressés que par les trois ou quatre plus gros sites".
Reste l’énigme d’un des leaders de la presse mondiale, le New York Times, qui ne semble pas être parvenu non plus à attirer les annonceurs dans sa division internet. Pour Catherine Mathis, "la chute du marché publicitaire a conduit le groupe à réajuster son personnel sur son modèle économique".
À la recherche d’un modèle économique viable
"Les médias ont développé, dans leurs stratégies Internet, des modèles économiques différents, observe Frédéric Cloteaux, en charge du marketing à Zdnet. Certains ont fait sur Internet une simple réplique de leur modèle papier, d’où les licenciements intervenus dans plusieurs journaux. D’autres ont essayé de créer une complémentarité et s’en sortent mieux. D’autres encore se sont servis d’Internet comme d’une base totalement nouvelle. Le meilleur exemple dans cette catégorie serait e-TF1, créé par la chaîne comme une société à part, indépendante de la télévision. Ces médias-là n’ont pas de problème." À e-TF1 justement, on juge que ce qui s’est passé, principalement outre-Atlantique, peut être évité en France. Pour Yann Battard, directeur du marketing, "les journaux comme le New York Times ont embauché trop de journalistes dans des divisions qui ne bénéficiaient pas de la même audience que le journal papier. Ces médias ont engagé des stratégies d’une ampleur démesurée par rapport aux ressources disponibles". À e-TF1, on préfère limiter les risques : "Nous essayons de croître à taille humaine, en fonction de nos résultats, de nos performances en audience", conclut Yann Battard. Pour autant, chacun demeure conscient des dangers, comme l’observe Frédéric Cloteaux : "En France, nous avons tous une année probatoire à passer."