Jörg Haider : "L’Europe est dans le droit chemin." Helmut Kohl : "Il touche des pots-de-vin, fait payer ses amis et ne dit rien aux flics. Un exemple pour la patrie !" Une interview exclusive de Michael Schumacher : "Non, je ne suis pas arrogant, seulement super-riche et arrogant !". Chaque jour, sur le Net, Die Klone (Autriche), "le journal satirique pour les esprits étroits" et Bildtotal (Allemagne), qui "voit le monde en noir et blanc", s’attachent à parodier fidèlement les deux grandes feuilles à scandales en langue allemande.
Bousculer les médias traditionnels
Titres racoleurs, slogans populistes, indiscrétions de bas étage et pin-up dénudées, rien n’y manque. Nicholas Formanek, auteur des deux formules, n’est pas là pour faire de l’argent. Il veut avant tout s’amuser : "Je veux lancer une tradition de la satire dans les pays germanophones, à l’instar de ce qui existe en Grande-Bretagne ou en France." Selon lui, les médias allemands et autrichiens sont contrôlés par quelques grands groupes, ce qui ne favorise guère la diversité des lignes rédactionnelles : "Il est bon qu’Internet vienne bousculer tout cela et apporte un peu d’humour".
Dérapages des vrais journaux
Parodier le Neue Kronen Zeitung n’a pas posé de gros problèmes. Le journal est proche du FPÖ, le parti d’extrême droite de Jörg Haider. Ses positions politiques extrêmes et son racisme latent stimulent donc aisément l’esprit satirique. "Bild, en revanche, est un journal populaire très bien fait, avec beaucoup de petits ragots et moins de politique. L’exercice est plus difficile", confie Formanek. Fort de ses 4,5 millions d’exemplaires vendus chaque jour, Bild n’est pourtant pas à l’abri des dérapages graves et des critiques. En novembre dernier, c’est lui qui, sur la base d’informations mal vérifiées, avait entraîné toute la presse allemande dans son sillage en révélant le soi-disant meurtre d’un jeune garçon par un groupe de skinheads, sous le regard consentant de toute une ville. C’est encore lui qui publiait récemment une photo de jeunesse de Jürgen Trittin, le ministre écologiste de l’Environnement. Plutôt floue, celle-ci montrait Trittin entouré de deux manifestants portant, l’un, un coktail molotov et l’autre, une barre de fer. Recadrée pour les besoins de l’article, la photo originale révélait que ces dangereux agitateurs ne tenaient en fait qu’un haut-parleur et une corde.
Changements d’adresse
En Allemagne comme en Autriche, les deux journaux parodiés n’ont guère apprécié la démarche de Nicholas Formanek. Lancé en mars 2000, Die Krone, qui est depuis devenu un site culte, a été contraint de fermer momentanément ses portes pour éviter de devoir verser une amende de 4 millions de francs. Heureusement, Formanek et son équipe avaient prévu l’attaque. Die Krone s’est transformé en Die Klone. Même tactique pour Bildtotal qui, lui aussi, a connu le succès dès son lancement en février 2001. Sous prétexte de proximité des noms et des URL, et non pour censurer le contenu comme des esprits mal intentionnés pourraient le penser, Bild a menacé Bildtotal d’une amende de 1,7 million de francs. Là aussi, Formanek n’a pas attendu le jugement pour réagir. Depuis quelques jours, Bildtotal continu son persiflage sous le nom de Xtotal. "Il est intéressant de voir avec quelle rapidité, ceux qui se placent en hérauts de la liberté d’expression réagissent vite dès qu’on les gêne, relève Nicholas Formanek. Mais ils ne comprennent pas que l’Internet ne peut être contrôlé comme une imprimerie ou une radio. L’Internet, c’est la révolution."