Tim Koogle, l’ex-président de Yahoo Inc peut être poursuivi par la justice Française. Le 26 février 2002, le tribunal correctionnel de Paris s’est, en effet, déclaré compétent à le juger. La décision vient d’être mise en ligne sur le site du Forum des droits de l’Internet.
Accusé de "délit d’apologie de crime de guerre et de crime contre l’humanité", l’ex-patron américain est poursuivi suite à une plainte déposée, le 9 février 2001, par l’Amicale des déportés d’Auschwitz et des camps de haute Silésie. Le Consistoire israélite de France et le Mouvement pour l’amitié entre les peuples (MRAP) se sont constitués partie civile.
Après une procédure, encore une procédure
Cette procédure au pénal suit la procédure au civil engagée contre la même société (voir le dossier de Transfert sur l’affaire Yahoo !). L’Amicale reproche à la société Yahoo ! d’avoir continué de laisser en vente les milliers d’objets nazis disponibles sur son site d’enchères Yahoo Auctions !, alors même que le jugement, rendu le 20 novembre 2000 par le juge Jean-Jacques Gomez, lui enjoignait de filtrer, dans un délai de trois mois, l’accès des internautes français à ces enchères. Le tout sous une astreinte de 15 200 euros d’amende par jour de retard. Bien que l’affaire est déjà été jugée au civil et Yahoo ! condamné. Que la société américaine se soit finalement décidée, après plusieurs mois, à retirer toutes les enchères nazies de son site, cette nouvelle procédure reste recevable. Tim Koogle qui a quitté la présidence de Yahoo ! en mai 2001, reste légalement responsable des faits accomplis sous sa présidence. L’Amicale lui réclame 1 franc de dommages et intérêts et la somme de 50 000 francs d’amende.
Une question de compétence
Un &oeligil sur le texte de la décision, mis en ligne par le forum des droits de l’Internet, montre que la société Yahoo ! s’appuie sur les mêmes arguments que ceux qui lui avaient servi, sans résultat, lors du premier procès. La compétence de la juridiction française est de nouveau contestée. Mais "contrairement à la procédure civile, le cadre pénal est plus rigide. Dès lors qu’une infraction est commise sur le territoire de la République, il est difficile pour une juridiction pénale de ne pas se déclarer compétente" explique Lionel Thoumyre, juriste et chargé de mission au Forum des droits de l’Internet. Il était donc prévisible que le tribunal rejette cette argumentation. Même si, pour cette fois, l’avocat de Yahoo ! a tiré de sa manche une jurisprudence passée inaperçue lors du procès au civil.
Une jurisprudence dans la manche
Celle-ci date du 11 novembre 1999. Dans son arrêt, la 11ème chambre correctionnelle de la cour d’appel de Paris avait considéré que "le critère de rattachement le plus approprié de la loi applicable est celui du lieu du site sur lequel le contenu litigieux a été publié". Ce raisonnement antérieur n’a pas été retenu par le juge qui observe "qu’aucun texte (...) ne désigne la compétence du tribunal et la législation applicables aux délits de presse commis à partir ou grâce au réseau Internet".
La prescription en plus
Une complexité de plus, le délit reproché à Yahoo ! est assimilé à un délit de presse. Yahoo ! a donc invoqué la prescription des poursuites pénales qui lui sont intentées. Le juge ne l’a pas retenu. L’Amicale avait pris soin de faire effectuer un procès verbal attestant de persistance d’enchères nazies sur le portail bien après la fin du délai accordé par la justice française. Le tribunal a en outre considéré que la publication en ligne des annonces d’enchères nazies n’est pas prescrite dès lors qu’à chaque nouvelle mise en ligne d’une enchère, une information différente est délivrée.
Une " condamnation morale "
Pour autant l’Amicale se défend de vouloir refaire le procès de Yahoo ! Il ne s’agit pas de régler des comptes mais d’obtenir une condamnation morale de la compagnie américaine. Tout en assurant ne pas vouloir prôner le racisme et l’antisémitisme, ce que les plaignants reconnaissent, les dirigeants de Yahoo ! ont délibérément maintenu des enchères litigieuses pour les retirer quelques mois plus tard sous le prétexte d’une réorientation de la stratégie commerciale du portail. Une arrogance qui leur coûte aujourd’hui un nouveau procès. Le jugement aura lieu le 7 mai 2002.
Dossier de Transfert sur l’affaire Yahoo!
http://www.transfert.net/fr/dossier...
Texte disponible sur le site du Forum des droits de l’Internet
http://www.foruminternet.org/docume...