C’est officiel : la France entre de plain-pied dans l’ère de l’Intelligence économique et stratégique. Un colloque était consacré la semaine dernière à ce qui est devenu un marché colossal.
 Peggy Pierrot |
Jeudi 25 janvier, c’était jour de réception à l’Institut des hautes études de la Défense nationale (IHEDN). L’organisme tenait dans ses locaux de l’...cole militaire, à Paris, un colloque intitulé
Intelligence et défense économiques au service du développement économique. L’occasion de mettre à plat, et d’amorcer, la nouvelle doctrine de l’...tat en matière d’intelligence économique et stratégique (IES). La manifestation réunissait quelques militaires, mais surtout des hauts fonctionnaires, des responsables de la sécurité ou de la veille technologique d’entreprises privées comme d’administrations centrales, ou locales. Un aréopage copieusement encravaté (à l’exception, notable, des rares journalistes) venus écouter les expertises, bons conseils et vœux pieux du gouvernement.
Faites tourner !
Pour Christian Pierret, secrétaire d’...tat à l’Industrie qui inaugurait la journée, "les informations économiques ne sont pas des biens comme les autres. Elles sont désormais des matières premières parmi les plus précieuses pour les entreprises". Reste à savoir comment manipuler ces nouvelles richesses. Pour Rémy Pautrat, préfet de la région Nord-Pas-de-Calais et ardent défenseur de l’IES, il s’agit là d’un "levier de développement économique local, mais aussi de la réforme de l’...tat". Il serait temps, selon lui, de transformer ce dernier, trop souvent perçu, comme force de contrôle, de sanction ou de régulation en une "administration partenaire". Plusieurs expériences pilotes sont ainsi menées en région, et Mininfo, site internet et "réseau d’appui au service des entreprises et de leur développement économique", a été inauguré la semaine dernière par Laurent Fabius. "L’...tat doit à la fois sensibiliser les entrepreneurs au caractère stratégique et vital de cette matière première unique et ouvrir aux entreprises l’accès aux informations économiques utiles voire stratégiques qu’il possède, estime Christian Pierret. Un fait résume à lui seul la responsabilité particulière de la force étatique : 80% des informations économiques utiles sont détenues par les administrations." Ces dernières, tout comme les entreprises, sont vivement incitées, aujourd’hui, à partager et à faire tourner ce genre de "matière première".
Mais gaffe à la sécurité !
Mais le colloque de l’IHEDN aborda aussi la question de l’espionnage industriel. Si aujourd’hui, ces préoccupations concernent avant tout les multinationales et les entreprises à haute valeur "stratégique" ajoutée, les exemples présentés étaient de nature à convertir n’importe quel dirigeant de PME/PMI à l’IES. Une plaquette, disponible à qui en fera la demande, liste ainsi toutes les mesures à prendre en matière de sécurité informatique en entreprise comme dans l’administration. Il est ainsi vivement déconseillé de communiquer quelque information sensible que ce soit par fax, téléphone ou e-mail. Le spectre d’Echelon, le système anglo-saxon de surveillance des télécommunications, connu pour avoir fait perdre deux contrats au moins aux industriels français, provoqua quelques frissons chez les participants. Philippe Caduc, directeur général de l’Agence pour le développement de l’information technologique (ADIT), rappela aussi que "100 000 personnes travaillent pour les services de renseignements américains, qui disposent d’un budget de 28 milliards de dollars par an, dont 30% à 40% affectés à des objectifs techniques, économiques et commerciaux". Mais de service de renseignement français, il ne fut guère question, pas plus que du frenchelon, l’équivalent français, en plus petit, du Big Brother anglo-saxon. Tout juste, apprit-on, que le gouvernement disposait d’un réseau de 2 000 personnes, hors services secrets, implantées à l’étranger, et chargées de l’IES. Seuls 5% des informations traitées par ce réseau sont de type "confidentiel", la majeure partie de l’IES relevant de "sources ouvertes" telles les revues de presse ou les sites internet. Autant de postes avancés dans cette nouvelle guerre de l’information.
L’Institut des Hautes Études de Défense Nationale:
http://www.ihedn.fr/
MININFO:
http://www.mininfo.minefi.gouv.fr/
Agence pour le développement de l’information technologique:
http://www.adit.fr/