Le
22 mars, les députés ont voté
une nouvelle disposition : les créateurs de
sites devront désormais s’identifier auprès
de leur hébergeur. En cas de falsification,
ils encourent six mois de prison et 50 000 F d’amende.
Vous
publiez une page Web pour dénoncer la politique
chinoise au Tibet ? Votre page perso s’insurge
contre la feuille de salade servie systématiquement
sous les entrecôtes ? Vous serez désormais
contraint de communiquer votre identité à
votre hébergeur... Et pas question de mentir.
Vous risquez jusqu’à six mois de prison
et 50 000 F d’amende...
Cette mesure (un sous-amendement du gouvernement ajouté
à l’amendement Bloche cf
Transfert) a été adoptée
mercredi 22 mars par les députés en
deuxième lecture, le projet devant repasser
devant le Sénat, puis une troisième
fois devant l’Assemblée courant juin.
Toute personne créant une page Web sera donc
tenue de communiquer des éléments d’identité
au service qui l’héberge : nom, prénom
et adresse. Le texte de loi prévoit deux cas
de figure :
- si le site est édité "à
titre professionnel", il devra mentionner
les coordonnées du responsable, la raison sociale
de l’entreprise (s’il s’agit d’un site d’entreprise),
et le nom du directeur de la publication et éventuellement
celui du responsable de la rédaction ;
- si le site est édité à titre
personnel, le responsable pourra se limiter à
mentionner son pseudo et le nom du service d’hébergement.
Mais il aura l’obligation de donner nom, prénom
et adresse à l’hébergeur. S’il
donne une fausse identité, le responsable du
site sera passible de six mois de prison et 50 000
F d’amende.
Concernant les hébergeurs, ils "doivent
s’assurer du respect de l’obligation d’identification
directe ou indirecte" des auteurs de sites
qu’ils accueillent sur leurs serveurs. Le fait
de "de ne pas déférer a une
demande de l’autorité judiciaire, d’avoir accès
ou de se faire communiquer les éléments
d’identification" est également puni
de 6 mois d’emprisonnement et de 50 000 F d’amende.
"La possibilité de truquer n’est
pas un droit de citoyen"
Pour Alain Giffard, conseiller de Catherine Trautman
pour les nouvelles technologies, "il s’agit
de rendre légal le formulaire que 99 % des
hébergés remplissaient à titre
facultatif". Sanctionner les fausses identités
lui semble normal : "La possibilité
de truquer n’est pas un droit de citoyen."
Selon le conseiller, cette identification est une
"obligation minimum et maximum, nécessaire
pour limiter le pouvoir discrétionnaire des
intermédiaires. Ceux-ci pouvaient décider
seuls de communiquer tous les éléments
concernant le responsable d’un site ou de ne rien
donner du tout. Et ce à la tête du client."
D’après Alain Giffard, ce sont ces éléments
que l’hébergeur devra donner dans le cas d’une
enquête de police. "Ce sera sa seule
obligation tant que le juge n’aura pas été
saisi."
Valentin Lacambre, responsable d’Altern
site d’hébergement gratuit, ne se voit
pas du tout dans son "nouveau rôle de
chien de garde" et s’insurge contre
le principe de la saisine par un tiers. Car pour lui, la future loi va "encourager
l’autocensure". Les hébergeurs, selon
lui, fermeront l’accès aux sites dès
qu’ils seront contactés par des tiers, et les
auteurs auront peur "de dire des conneries".
"Avec Internet, juge Valentin Lacambre,
la liberté d’expression devient accessible
à tout le monde. Visiblement, cette liberté
gêne et la France adopte une mesure qui n’est
en vigueur dans aucun pays au monde."
Internet étant considéré comme
un espace public, toute la question est donc de savoir
si les créateurs de sites Web sont des responsables
de publication. Le gouvernement a clairement décidé
que oui.