Les Anglo-saxons ont une formule assez explicite pour résumer le problème d’un grand nombre de sites internet de presse : " There is no free lunch anymore ".
Il n’y a plus de repas gratuits. Après quelques années à délivrer leurs contenus gratuitement, les sites éditoriaux commencent à demander une contribution à leurs visiteurs. En clair, de payer.
Le mot est lâché : payer. Pas facile à entendre pour les accros du Web. Car nous avons tous pris de mauvaises habitudes. Les lecteurs et les éditeurs. Nous avons pris goût à de l’information 100 % gratuite, que les sites espéraient financer grâce à un marché publicitaire que l’on promettait magnifique (et qui a, aujourd’hui, quelques faiblesses). Mais était-ce vraiment la meilleure solution ? Après tout, la meilleure garantie d’indépendance que puisse donner un titre de presse, c’est de devoir son autonomie financière à ses lecteurs, plutôt qu’à ses annonceurs. Un organe d’informations doit pouvoir survivre à la raréfaction de ses derniers. Alors qu’il n’a aucune raison de continuer à exister si ses lecteurs l’abandonnent.
J’entends déjà les cris : " N’importe quoi ! Tout doit rester gratuit ! Tout ce que vous allez faire, c’est de perdre vos lecteurs ! " Certes, ce n’est pas une décision facile. Le gratuit était tellement simple. Tellement confortable. Et tellement impossible... L’information professionnelle indépendante coûte cher. Ce sont les salaires, le loyer, le téléphone, les frais de reportage et d’enquête, la liaison internet, les ordinateurs, l’EDF, et tous ces menus frais qui permettent à une rédaction de fonctionner.
Pour, simplement, continuer à exister, les éditeurs tentent donc d’inventer des systèmes pour faire participer, financièrement, le lecteur. Certains sites sont accessibles seulement sur abonnement. D’autres font deux éditions : une, gratuite, avec des publicités énormes ; l’autre, sur abonnement, sans publicité. Transfert.net, lui, parie sur la complémentarité magazine / site web : l’information quotidienne en ligne reste gratuite, mais les archives sont réservées aux lecteurs du magazine que vous avez entre les mains. L’acte de paiement est, ici, l’abonnement ou l’achat d’un magazine papier (on pourra aussi ne souscrire qu’au service en ligne, pour un prix moindre). Plus qu’un paiement, ce sera aussi l’affirmation de l’appartenance à une communauté (celle des lecteurs de Transfert.net), et le soutien à un effort d’avenir (l’information de qualité en ligne).
Et je fais les paris : dans les six mois, plusieurs titres, même parmi les plus grands, vont passer au payant (partiel généralement). Les lecteurs ne vont sans doute pas sauter de joie. Mais ils vont s’y habituer : l’Internet entre dans l’âge adulte, celui où, les études passées, il faut gagner sa vie. Une question de maturité.