En dépit des révisions multiples, le projet de traité sur la cybercriminalité du Conseil de l’Europe continue de susciter des réactions enflammées...
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Rien à faire. Plus les membres du Conseil de l’Europe révisent leur projet de traité sur la cybercriminalité, plus les associations de défense des libertés font preuve d’un intérêt critique pour ce texte. Et réagissent. On vient d’atteindre
la version 24.2. Les différents acteurs qui discutent du texte ont, semble-t-il, fait de grosses concessions. C’est par exemple le cas des logiciels de hacking qui ne sont plus proscrits. Leur utilisation pour un acte délictueux est désormais très clairement réprimée. De plus, les auteurs du texte démontrent, comme s’il le fallait, leur difficulté à mettre tous les pays d’accord en précisant à de très nombreuses reprises que ceux-ci pourront plus ou moins déroger aux dispositions du texte si celles-ci ne leur conviennent pas.
Reste, tout de même, quelques points flous qui risquent bien de poser problème en termes de libertés individuelles. Le projet étant clairement d’inspiration policière - dans le mauvais sens du terme - et politique - dans le mauvais sens du terme, également -, il est visiblement impossible pour les auteurs de supprimer des points comme la surveillance des contenus, la téléperquisition des ordinateurs ou encore l’interdiction du spoofing* (pourtant essentiel dans des pays à régimes dictatoriaux) qui serait puni pénalement.
Opposants inattendus
La plupart des opposants naturels au projet continuent de vilipender l’action du Conseil de l’Europe. C’est le cas du GILC (Global Internet Liberty Campaign) et de son représentant français IRIS (Imaginons un réseau solidaire). Ils réclament que "des limites aux pouvoirs accordés par ce projet soient formulées explicitement, comme l’exigence d’un examen de constitutionnalité, la prémunition contre l’auto-incrimination, la finalité de la collecte des données, la proportionnalité des moyens utilisés en toute occasion et le respect des principes de protection des données". De son côté, l’association Cyber-Rights & Cyber Liberties, rappelle utilement que "le désir impétueux de réprimer le crime ne doit pas, par exemple, exposer les citoyens honnêtes au risque de voir leurs clefs cryptographiques être accessibles à l’...tat". Dans la liste des réactions au projet de traité, il y a quelques demi surprises... Ainsi, la fédération américaine des Chambres de commerce a demandé au Congrès de s’opposer fermement au texte du Conseil de l’Europe. Pas vraiment dans un souci de protection de la vie privée des citoyens, mais plutôt afin d’éviter que ce texte ne soit un "frein coûteux et non nécessaire" au commerce électronique... Les Pays-Bas, eux, se montrent enthousiastes. Ce pays annonce qu’il va adapter ses lois pour être prêt à ratifier le traité avant même que la préparation de ce dernier ne soit achevée...
De son côté, la Commission européenne dévoilera jeudi 21 décembre une liste de recommandations à destination des ...tats membres, afin qu’ils luttent contre le crime via Internet. Un sujet décidément à la mode. Gardons tout de même à l’esprit que les vrais crimes sont commis dans le monde réel. Internet, ou toute autre technologie, n’est qu’un vecteur, un moyen comme une voiture ou une arme pour des braqueurs qui s’attaquent à une banque...
*Spoofing : action informatique qui consiste à masquer son adresse IP en la remplaçant par une autre