Avant la fin du mois de juin, la Cour européenne de justice doit se prononcer sur les recours en annulation déposés contre une directive sur la brevetabilité du vivant.
Le coup est rude. Alors que dans quelques jours, la Cour européenne de justice doit se prononcer sur le recours en annulation déposé contre la directive 98/44, dite de "brevetabilité des inventions biotechnologiques", ses opposants semblent déjà avoir perdu des points. L’avocat général de la Cour vient en effet de faire connaître sa position : il ne souhaite pas que la Cour soutienne ce recours, émanant des Pays-Bas et soutenu par l’Italie et la Norvège (qui intervient en tant que membre de l’Espace economique européen).
La fin du libre échange des ressources génétiques
En France, les organisations habituellement hostiles aux OGM et à la politique menée par les laboratoires pharmaceutiques envers les pays pauvres critiquent violemment cette directive. Le regroupement d’associations Agir Ici, notamment soutenu par Greenpeace et la Confédération Paysanne, a lancé une campagne de protestation destinée à influencer le Premier ministre français, des députés, et le commissaire européen chargé du commerce. "Grâce à ce système, quelques firmes sont en train de s’approprier les ressources génétiques de la planète. C’est à terme l’intégrité de l’Homme qui est en jeu", peut-on lire sur leur site. De son côté, Jean Pierre Berlan, directeur de recherche à l’INRA (l’Institut national de la recherche agronomique), se démène pour informer le grand public et différents hommes politiques sur les conséquences qu’entraînera cette directive. "Elle freinera brutalement la coopération entre chercheurs publics, explique-t-il. Si elle est adoptée, il ne sera plus possible de mélanger deux gènes provenant de deux sociétés différentes sans payer des licences. Or, avant l’apparition des OGM, c’est le croisement des différentes variétés qui a permis de multiplier par 5 le rendement des principales cultures dans les pays industriels pendant les 50 dernières années."
Une directive contestée
Cette directive a déjà emprunté un parcours semé d’obstacles. Présenté par la Commission européenne en 1988, le texte de proposition « sur la protection juridique des interventions biotechnologiques » est rejeté en 1995 par le Parlement Européen. Mais le 17 juillet 1997, alors que des personnes handicapées manifestent à Strasbourg aux cris de "Des brevets pour la vie ! », le Parlement revient sur sa décision. Il adopte, en première lecture, un texte légèrement modifié. En juillet 1998, la directive 98/44 est publiée par le journal officiel des Communautés européennes. Les Etats - membres réagissent différemment. L’Angleterre, la Finlande et le Danemark ratifient la directive, la France hésite, les Pays-Bas déposent un recours. "Si la Cour suit les recommandations de l’avocat général, seuls les ...tats membres et la Commission européenne pourront reconsidérer et amender la directive", a précisé Hiltrud Breyer, coordinateur de l’Alliance libre européenne des Verts. Il plaide ainsi la cause : "Ils ne peuvent pas ignorer plus longtemps les remarques des organisations et des institutions renommées telles que le World Medical Council, le Standing Committee of European Doctors et l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe qui partagent tous l’opinion selon laquelle les gènes humains et les séquences de gènes devraient rester en dehors du domaine de la brevetabilité."