Les marchés boursiers sont malmenés plus d’un an. Plus touchés que les acteurs traditionnels, les sites Internet d’information boursière et les courtiers en ligne se réorganisent.
L’époque est rude pour les courtiers en ligne et les sites d’information boursière. Passé la mode éphémère de la bulle spéculative sur les valeurs technologiques, une étude réalisée (avant les dramatiques attentats perpétrés aux Etats-Unis) par TLB pour l’association Brokers on line est formelle : la fraction des actionnaires individuels qui utilisent le Net pour gérer leur portefeuille boursier reste marginale. Sur 6,1 millions d’actionnaires individuels en juin 2001, TLB affirme que près d’un million utilise le Net pour suivre ses comptes. Et encore, « on ne dénombre que 500 000 comptes ouverts chez des brokers en ligne », précise Charles Morane, dirigeant de Fimatex, le premier site de courtage ouvert en France dès 1997. Les autres clients se contentant de recueillir des informations sur les sociétés cotées ou de suivre leurs cours.
Courtiers à court
Dans ces conditions, les courtiers en ligne voient l’horizon de la rentabilité s’éloigner. Si le nombre de comptes ouverts chez eux ne baisse pas encore — car certains font payer pour la clôture d’un compte —, ils constatent une diminution forte du nombre d’opérations effectuées par leurs clients. En effet, la facilité d’accès des courtiers en ligne et leurs campagnes marketing agressives début 2000 ont attiré de nombreux boursicoteurs sans expérience. Bon nombre d’entre eux, après de sévères déconvenues dues au retournement du marché, ont préféré arrêter de jouer en bourse. Du coup, les courtiers en ligne se retrouvent plus durement touchés que leurs homologues traditionnels : en juin dernier, le nombre d’ordres passés en ligne a chuté de 33,6%, tandis que cette contraction n’atteignait que 4,6% pour l’ensemble de l’Euronext. « Sur nos 65 000 comptes, nous étions en moyenne à 80 ordres passés par compte et par an pour l’année 2000. À la fin du mois de juin 2001, nous ne sommes plus qu’à 30 ordres par compte et par an », confirme Charles Morane.
Or la principale source de revenus des Fimatex, Selftrade, Consors, e-Cortal et CPR Online, ce sont justement les commissions perçues sur chaque ordre d’achat ou de vente d’actions passé chez eux. Résultat : les pertes se creusent. Au premier semestre 2001, Consors a ainsi annoncé une perte nette de 35,7 millions d’euros contre un bénéfice de 7 millions d’euros sur la période équivalente en 2000. Selftrade, le broker en ligne dirigé par Charles Beigbeder, a préféré fusionner dès novembre 2000 avec DAB Bank, courtier off et on line présent en Allemagne et en Suisse, majoritairement détenu par une grande banque allemande. Et Fimatex a coupé dans ses effectifs, passant de 145 à « une petite centaine » de salariés en France, pour économiser sur ses frais généraux.
Revenus fondus
Du côté des sites d’information boursière, la situation n’est pas plus favorable. Le site France-Invest.com a fermé ses portes, son adresse étant purement et simplement redirigée vers le site français d’ADVFN après que leurs maisons mères respectives aient fait affaire (ADVFN rachetant UK-Invest). « Le marché est dramatique pour tout le monde », témoigne Bénédicte Nauleau, qui pilote ADVFN en France. Si son site, orienté vers les boursicoteurs avertis et qui réalise donc une audience modeste, parvient à tenir, c’est grâce à des effectifs limités à deux personnes. En outre, ADVFN facture un forfait mensuel à ses utilisateurs qui veulent disposer de l’information boursière en temps réel, quand Boursorama, NewsInvest, Youplabourse ou FirstInvest proposent gratuitement de l’information en différé. Tous dépendent donc principalement de revenus publicitaires qui ont fondu au moins autant que les cours de bourse ! Certains sont donc désespérément à la recherche d’argent frais, jonglant avec leur trésorerie pour ne pas être contraints de déposer le bilan.
Les sites d’informations ou de transactions boursières, victimes d’une conjoncture déplorable après avoir parfois dépensé des fortunes pour se lancer, révisent donc leurs plans en conséquence. Et naviguent à vue, avec des perspectives assombries par les attentats contre les Etats-Unis. « C’est pas facile de parler de perspectives en ce moment », dit Charles Morane.