Pour la première fois en France, un accord a été conclu entre le Sesam (organisme regroupant la Sacem et d’autres sociétés d’auteurs) et un site diffusant du MP3. France MP3 a désormais le droit d’émettre et de vendre des fichiers musicaux numériques protégés, en toute légalité. Interview de Laurent Maubon, cofondateur de France MP3.
|
|
Cest
un accord historique. Dun côté,
le Sesam, organisme regroupant la Sacem et dautres
sociétés dauteurs pour la gestion
des droits sur les supports multimédias. De
lautre, la petite société Eurékan
Multimédia, créée il y a quatre
mois à peine, et qui gère le site FranceMP3.com,
diffuseur de musique en ligne... En négociation
depuis plusieurs mois, les deux parties ont trouvé
un terrain dentente. Pour la première
fois en France, la toute-puissante Société
des auteurs compositeurs et éditeurs de Musique
(Sacem) a décidé de vendre, pour une
diffusion en ligne, les droits des uvres quelle
protège. Le site France MP3 a accepté
den payer le prix.
Désormais, dès quun morceau aura
été acheté et téléchargé
sur le site musical, 12 % du prix payé par
le client seront reversés aux auteurs, via
le Sesam. La diffusion en realaudio, destinée
aux pré-écoutes (en basse qualité)
sur le site, fait, elle aussi, lobjet dune
rémunération sur la base dun forfait.
La durée de laccord est limitée
à six mois, afin de tenir compte des "incertitudes
qui pèsent sur les formats de compression",
le Sesam jugeant ce type dexploitation "expérimentale".
"Nous
voulons être légalistes"
Pour Laurent Maubon, cofondateur de France MP3,
cet accord était indispensable pour le développement
dun business quil voit grand.
) Votre site a ouvert en
septembre. En décembre, vous êtes les
premiers à conclure un accord avec le Sesam.
Comment en êtes-vous arrivé là
?
- Avec ...ric Legent, mon associé, nous
avons rapproché deux sites : lun proposait
de la musique, lautre les logiciels pour lécouter.
La nouvelle société Eurékan Multimédia
a été officiellement créée
en août dernier. Elle gère MP3France.com,
site centré sur le matériel et FranceMP3.com,
dédié au téléchargement
de morceaux. Pour cette partie de lactivité,
nous avions entamé les négociations
avec le Sesam dès le mois de juillet.
) À partir de maintenant,
vous allez pouvoir diffuser des artistes connus comme
Céline Dion ou Julien Clerc, par exemple ?
- Julien Clerc fait partie dune major : Virgin.
Le jour où nous aurons un accord avec Virgin,
on verra. Mais ce nest pas notre domaine. Nous,
nous sommes spécialisés dans ce que
nous appelons "lautre musique", celle
des producteurs indépendants, qui nest
pas prise en compte par les majors.
) Pourquoi
ne passez-vous pas daccord avec les "gros"
?
- Dautres sen occuperont bien
mieux que nous. Vous savez, il faut énormément
de temps pour passer un accord avec Virgin. Sil
faut que je remonte la chaîne des interlocuteurs
jusquen Californie, à Palo Alto, ce sera
plus long.
) Et le créneau "indépendant",
cest rentable ?
- Nous sommes convaincus que la richesse
de la création nous permettra de fonctionner
sans problèmes. Et puis notre cible nest
pas si étroite quon pourrait limaginer.
Nous sommes des généralistes spécialisés,
dans la mesure où nous voulons diffuser tous
les styles mais rester pointus dans chacun dentre
eux. La qualité est notre principale garantie
de succès. Cela passe par des accords avec
des labels et bientôt, le recrutement dun
directeur artistique.
) Pourquoi ? Le choix des
artistes, ce nest vraiment pas votre rayon ?
- Je ne suis pas un professionnel de la
musique.
) Donc, le choix de "lautre
musique" nest pas le fruit dune passion
?
- Avec mon associé, nous avons
commencé par vendre des baladeurs MP3 puis
nous avons cherché du contenu. Pour assurer
notre succès, il fallait trouver un créneau
sur lequel loffre soit crédible. Si vous
cherchez à me faire dire que notre but est
uniquement doccuper une niche puis de sen
servir de planche dappel vers le marché,
ce nest pas le cas. Nous ne sommes pas opportunistes.
Simplement, nous construisons les fondations de quelque
chose qui a vocation à devenir un acteur majeur.
) Vous bénéficiez
désormais dun accord flambant neuf qui
vous permet de diffuser de la musique en toute légalité.
Comment faisiez-vous jusquà présent
?
- Nous avons passé des contrats
avec des artistes auto-produits qui nous ont cédé
le droit de diffuser leur uvre gratuitement.
La plupart dentre eux nétaient
pas membres de la Sacem. Donc, il ny a pas eu
de problème. Mais notre vocation nest
pas de proposer uniquement des uvres gratuites.
Nous allons travailler de plus en plus avec des maisons
indépendantes qui produisent des artistes membres
de la Sacem. Il faut pouvoir les rémunérer
car nous voulons être légalistes.
) Cette rémunération
est de 12 %. Ça veut dire 12 % de combien ?
- Après avoir discuté avec
des producteurs, nous estimons le prix dun morceau
entre 6,50 FF et 10 FF.
) Vu le coût des communications
téléphoniques, est-il vraiment rentable
de sacheter un disque par téléchargement
?
- Cest vrai que pour linstant,
le téléchargement nest pas très
rapide. Cest pourquoi nous proposons une alternative,
également prise en compte dans laccord
: la fabrication de compilations à la carte.
Vous pré-écoutez les morceaux en realaudio,
on vous envoie ensuite un CD par la Poste avec des
morceaux au format wave, [format traditionnel des
plages dun CD], et en MP3.
) Cette
activité dédition de CD est incluse
dans laccord ?
- Tout à fait.
) Laccord
est valable six mois : cette durée vous satisfait
?
- Ce terme délimite une période
dexpérimentation. Et vous savez, six
mois sur Internet, cest deux ans dans la vie
réelle..