Après un début d’année euphorique, le soufflé de l’achat groupé est retombé en France. Les responsables des principaux sites nationaux analysent l’échec de ce modèle. Lire notre dossier.
Plus on est nombreux à vouloir acheter un produit, plus il est facile de négocier un rabais avec le vendeur. Ce principe de marchandage, vieux comme le monde, ou presque, semblait idéalement adapté au Web, média des communautés d’intérêts. La révolution était en marche. Internet avait engendré une nouvelle façon de consommer. Et le client prenait le pouvoir. "Les abonnés du service peuvent exprimer leurs désirs de consommation, ce qui permet au fabricant de créer des produits sur mesure et de réduire les coûts", expliquait, en janvier 2000, Joël Palix, le PDG de Clust. Plus que de l’optimisme, c’est une vraie folie qui a accompagné la naissance des sites d’achat groupé en France au début de l’année 2000. Problème, l’explosion attendue n’a pas eu lieu.
Recentrage
Aujourd’hui, Akabi, racheté par le portail Multimania, va voir sa marque disparaître. Alibabuy va modifier son concept et cherche des rapprochements avec des acteurs du discount. Clicachat se recentre vers un achat plus traditionnel et souhaiterait pactiser avec la grande distribution ou les portails. De Clust, racheté par Dealpartners, il ne reste plus que le site, la société, elle, ayant disparu. Koobuycity a abandonné l’achat groupé en mai dernier pour se concentrer sur la livraison en une heure sur Paris et la région parisienne. Lespot propose toujours une partie de ses produits en achat groupé, mais cible, avec ses produits high-tech, la génération "numérique" des 18-35 ans. Les fortunes sont diverses, mais toutes marquées par une remise en cause de ce modèle. "Le marché n’est pas là. Peut-être dans trois ou quatre ans", lâche avec dépit Jérôme Crémiers, le PDG de Clicachat. Les internautes français achètent encore peu sur le Web. Or, dans l’achat groupé, tout repose sur le nombre et la capacité à convaincre une masse critique d’acheteurs. Pas assez de clients, mais aussi pas assez de clients partageurs. Le bouche-à-oreille, la base de l’achat groupé, n’a pas du tout fonctionné. "En France, l’internaute n’achète pas en groupe. Il n’organise pas ses sessions en appelant ses amis", remarque Jacques Kluger, PDG de Koobuycity. Ainsi, sur ce site, la fonction "Prévenez vos amis ou votre famille" aurait été utilisée un nombre infinitésimal de fois.
Marché saturé
Peu de consommateurs donc. Mais beaucoup de boutiques. Une génération spontanée de sociétés a émergé en France en début d’année 2000. Une dizaine, alors qu’elles n’ont été que trois en moyenne dans les autres pays. Le marché a vite été saturé. "L’achat groupé n’est pas un modèle économique facile", lance Guillaume Paillet, le responsable d’Alibabuy. "Le vrai problème, c’est que les produit les plus demandés sont ceux pour lesquels nous avons le moins de remise. Nous ne sommes pas capables d’offrir 30 ou 40% de réduction, d’où la forte déception des consommateurs." De plus, participer à un achat groupé implique de patienter plusieurs jours, voire plusieurs semaines avant d’acquérir l’objet de ses désirs. Une façon de faire assez incompatible avec la nature même du Net, royaume de l’achat impulsif. Fausse bonne affaire et temps d’attente, la mixture était vraiment trop mauvaise. Ajoutez à tout ça, des craintes sur la sécurité des paiements sur le Réseau et une logistique pas fiable à 100%, et vous obtiendrez un concept à bout de souffle. Actuellement, seul Letsbuyit France semble persuadé des "potentialités énormes" de ce concept en France. Laurence Perratzi, sa directrice générale, espère même que, dans un an, l’Hexagone deviendra l’un des pays les plus rentables du groupe. Rappelons juste qu’aujourd’hui, la France ne représente que 2% de son chiffre d’affaires...
Demain : Achat groupé français cherche reconversion