La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a adopté le 16 septembre une recommandation sur les cartes nominatives automatisées délivrées aux utilisateurs des transports collectifs. Par cet avis, la Cnil souhaite limiter les risques d’atteinte à la liberté d’aller et venir et au droit à la vie privée des utilisateurs.
En juin 2001, le Syndicat des transports d’ïle-de-France lançait le système de télébilletique Navigo. Cette technologie repose sur l’intégration d’une puce électronique sur les cartes nominatives de transport.
Officiellement destiné à faciliter le passage des voyageurs aux points de contrôle (plus besoin d’introduire son billet, une simple présentation devant un lecteur optique suffit), ce type de passe permet aussi aux entreprises de transport de conserver dans une base de données les trajets effectués, à des fins de marketing et de lutte contre la fraude.
"Navigo home"
A la Régie autonome des transports parisiens (Ratp), Navigo équipe déjà les cartes annuelles "Intégrales" et les cartes "Imagine R" destinées aux étudiants et aux scolaires, avant une généralisation progressive à toutes les formes d’abonnement.
Pour le développement de cette technologie, la Ratp avait reçu, en 2001, un Big Brother Award, un prix décerné aux personnalités et organismes portant atteinte à la vie privée.
Dans son rapport d’activité 2002, la Cnil indiquait : "L’examen de l’application Navigo de la Ratp a conduit la CNIL à procéder à des investigations auprès de sociétés de transport en commun implantées à Amiens, Lyon, Valenciennes, Marseille et Nice qui ont mis en oeuvre des systèmes
de télébilletique, afin de vérifier notamment les durées de conservation des données enregistrées à l’occasion des déplacements des usagers."
Un risque pour la liberté d’aller venir
Le résultat de ces enquêtes a donné lieu à une recommandation, adoptée le 16 septembre dernier par les membres de la Cnil. En préambule, le texte relève que "les traitements automatisés mis en œuvre pour assurer le bon fonctionnement de ces titres billettiques créent un risque sérieux en matière de protection des données personnelles. En effet, les déplacements des personnes utilisant ces cartes peuvent être reconstitués et ne sont plus anonymes, ce qui est de nature à porter atteinte tant à la liberté, fondamentale et constitutionnelle, d’aller et venir, qu’au droit à la vie privée qui constitue également un principe de valeur constitutionnelle".
Concernant la nature des informations collectées, la Cnil émet plusieurs recommandations visant à encadrer les pratiques en vigueur.
Ainsi, estiment ses membres, "les traitements appliqués aux données relatives aux déplacements des personnes devraient donc être anonymisés, à l’exception de ce qui relève de la gestion de la lutte contre la fraude. En toute hypothèse, il est hautement souhaitable que la possibilité de circuler de façon anonyme, au moyen d’un titre billettique ou non, soit maintenue".
Le nombre de validations du titre de transport enregistrées sur la carte, "qui varie actuellement entre 2 et 6, devrait à l’occasion du passage à la prochaine génération de cartes, être limité à quatre".
De même, la Commission souhaite que soit offerte à l’usager la possibilité de refuser la "conservation, sous une forme numérique" de la photographie devant figurer sur le titre de transport.
Enfin, pour la Cnil, la lutte contre la fraude ne justifie pas le fichage systématique des trajets effectués par les usagers.
Au nom de la fraude
"Les données relatives aux déplacements des personnes, sous la forme d’une indication de la date, de l’heure et du lieu, associées à un élément permettant d’identifier la personne à laquelle elles sont rattachées, tels un numéro de carte, ne devraient être conservées que le temps nécessaire à la détection de la fraude, estime la Commission dans son avis. Ce délai ne devrait pas excéder deux jours consécutifs, y compris le délai de sauvegarde."
Dans le cas d’une fraude avérée, ces données ne devraient être conservées que "le temps de l’instruction de l’affaire par les autorités judiciaires".
Les recommandations de la Cnil raviront sans doute les défenseurs de la vie privée. Notamment ceux qui luttent contre le développement du "tout-sécuritaire" dans les transports comme Souriez vous êtes filmés ou le Réseau pour l’abolition des transports payants (RATP).